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Full text of "L'église anglicane avant la Réforme; abrégé d'histoire ecclésiastique"

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00- 


Cil 


PAR  1,3 

Rev.  Henry  E.  Benoit* 


BR 
74-6 

Arec  Introduction  parle 

Rcv.  H.  M.  M.  Hackctt.  M,  A*,  D.CL 


Mi3S  M.o.Cassels. 


P'REniERE  Liste  de  Souscriptions 

A 

C' Eglise  Jfndlicane  avant  U  Reforme, 

PAR    LE 

REY.  HENRY  E.  BENOIT, 

Recteur  de  lEglise  du  Rédempteur. 

1.  M.  B.  H.  Collins,   Angleterre. 

2.  :\I.  T.  Kent,  Londres.  Ont. 

3.  Macl.  J.  Binga}^  Yarmouth,  X.  S. 

4-  M.  H.  Robertsou,   Owen  vSound,  Ont. 

5.  :\relle.  F.  Crtidda.s,  Angleterre. 

6.  Melle.  A.  Fairless,  Angleterre. 

7.  Melle.  Fitzpatrick,   Angleterre. 
!^.  M.  John  Bradford.  Granby,  Que. 
9-  M.  A.  H.  Catnpball.  Toronto,  Ont. 

10.  M.    P.  \V.  D.  Broderick,  Toronto,   Ont. 

11.  M.  John  Blaiklock,  Toronto,  Ont. 

12.  Mad.  Bowsrs,  Bedford,  Que. 

13.  Mad.  C.  L.  Moody,  Varnioath,  X.  S. 

14.  Mad.  Brown,  Yarmouth,  X'.  S. 

15-  M.  Chas.  Cockshutt,  Toronto,  Ont. 

16.  M.  Arthur  Ahern,    Québec. 

17.  Mad.  Dunlop,  Peterboro,  Ont. 
iS.  M.  C.  H.  Haie,  Orillia,  Ontario. 
19.  M.  W.  H.   Worden,  Toronto,  Ont. 
20  M.  John  Labatt,  Londres,  Ont. 
■21.  M.  G.  E.   Loud,  Farnhara.  Ont. 

22.  :\L  W.  H.  Robinson,  Granby,  Que. 

23.  C.  J.  James,   Pasteur,  Toronto,  Ont. 

24.  Melles.  Majors,  St.  John,  X.  B. 

25.  Melle.  Dykes,  Galt.  Ont. 

26.  M.  D.  F.  Matthew,  Walkerville,  Ont. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/lgliseanglicanOObeno 


L'EGLISE  ANGLICANE 

AVANT  LA  REFORME 

(Abrège  D'Histoire   Ecclésiastique) 


EN  TROIS  PARTIES 


PAR  LE 


REV.  HENRY  E.  BENOIT, 

Recteur  de  L' Eglise  du  Rcde^npteur^        -       Montréal, 
Avec  Introduction  par  le 

REV.   H.    M.    M.   HACKETT,    M. A.,  D.C.L  , 
Prvîcipal  du  Collège  Diocésain  de  Montréal. 


Examinez  toutes  choses  ;    retenez  ce  qui  est  bon. 

—  Thess.   K,  21. 


MONTREAL,     -     CANAI)\, 


*I*»H*"  4fHtH^  •i*4t4»  •4t»l«H"  •l»?l*i<^  «ItHtH»  »l*4«l'  "4tH'4'  4*4^4^  4t4»4'  <lt4Tft^4«4^Hn 


INTRODUCTION. 

Mon  excellent  ami,  le  Rev.  Mr.  H.  E.  Benoit, 
l'auteur  de  L'Eglisk  Anglicane  avant  la  Reforme, 
m'a  prié  d'écrire  quelques  mots  d'introduction  pour 
expliquer  le  but  de  cette  brochure  ei  en  recommander  la 
lecture  ;  c'est  avec  le  plus  grand  plaisir  que  j'acquiesce  à 
sa  demande. 

Qui  ne  désire  connaître  la  vérité?  Qui  ne  se  plaint 
que  la  vérité  est  difficile  à  trouver  ?  Il  est  évidemment  du 
devoir  de  ceux  qui  l'ont  trouvée  de  la  faire  connaître  à 
ceux  qui  ont  failli  dans  la  recherche  de  cette  vérité. 

Au  mois  de  Janvier  1900,  à  l'ouverture  d'une  mis- 
sion pour  la  conversion  des  Protestants,  l'Archevêque 
Bruchési  loua  chaleureusement  les  efforts  tentés  à  l'église 
St.  Patrice  pour  ramener  à  la  vérité  ceux  qui  étaient  éga- 
rés. Le  digne  Archevêque  avait  raison  ;  il  n'y  a  pas  de 
plus  grand  devoir,  de  plus  grand  privilège  que  celui  d'en- 
seigner et  de  prêcher.  Mgr.  Bruchcsi  ayant  eu  la  bonté 
d'inviter  les  Protestants  à  assister  aux  réunions  de  cette 
mission,  et  même  de  solliciter  les  Catholiques  romains  à 


INTRODUCTION. 

faire  des  efforts  pour  amener  leurs  concitoyens  à  ces  assem- 
blées, je  ne  puis  faire  mieux  que  de  suivre  son  exemple. 
J'engage  donc  les  Catholiques  romains  à  lire  ce  livre,  et  je 
demande  aux  Protestants  de  faire  tout  en  leur  pouvoir 
pour  le  faire  connaître. 

L'auteur  raconte  dans  un  exposé  lucide  et  conforme 
aux  Ecritures  la  fondation  de  l'Eglise  de  notre  Seigneur 
Jésus-Christ,  et  définit,  dans  les  termes  même  de  la  Bible, 
la  signification  du  mot  "  Eglise  ".  Ces  choses  que  chacun 
peut  lire  dans  les  Saintes  Ecritures  ne  donnent  lieu  à 
aucun  doute.  Mais  l'auteur  rend  encore  un  plus  grand 
ser\-ice  à  la  cause  de  la  vérité.  Ne  se  bornant  pas  à 
constater  avec  regret  toutes  les  fausses  notions  qui 
existent  sur  l'origine  et  riiisloire  de  l'Eglise  anglicane, 
il  les  rectifie  victorieusement.  Ses  assertions  ne  sont 
pas  celles  ex-parte  d'un  partisan,  mais  des  faits  stricte- 
ment historiques.  L'auteur,  avec  impartialité,  cite 
également  les  théologiens  catholiques  romains  et  pro- 
testants, et  si  l'exactitude  d'une  de  ses  affirmations  pouvait 
être  mise  en  doute,  il  est  prêt  à  en  fournir  des  preuves 
irréfutables.  Personne  ne  doit  hésiter  à  lire  ce  livre,  car 
il  n'y  a  rien  qui  puisse  blesser  les  susceptibilités. 

L'auteur  raisonne,  il  n'injurie  pas.  Il  espère  que 
tous  seront  bientôt  comme  lui  dans  la  glorieuse  liberté  des 
enfants  de  Dieu.  Il  n'insulte  pas  ceux  qui  sont  nés  sous 
le  joug  de  l'esclavage  ;  mais  c'est  avec  amour  qu'il  cher- 


INTRODUCTION 


elle  à   conduire  à  la  lumière  de  la  vérité  ceux  qui    sont 
dans  les  ténèbres  de  l'erreur. 

Il  existe  une  ancienne  prière  de  l'Eglise  Catholique 
appelée  la  prière  de  Saint  Chrysostôme.  Cette  prière  est 
vieille  ;  elle  est  belle.  Elle  est  addressée  au  Rédempteur 
du  monde.  "Lumière de  Lumière,  vrai  Dieu  de  vrai  Dieu." 
Cette  prière  contient  une  magnifique  demande,  c'est  celle 
que  je  fais  pour  tous  ceux  qui  liront  ce  livre  : 

"Accorde  nous  dans  ce  monde  la  connaissance  de 
la  vérité,  et  au  siècle  à  venir  la  vie  éternelle  " 


H.  M.  M.  HACKETT. 


Montréal,  Que. 
Jour  de  vSaint  Augustin  190^3. 


L'EGLISE  AHGLICASE  AYANT  LA  REFORME. 


PREMIERE  PARTIE. 


CHAPITRE  I. 

L'EGLISE  ANGLICANE  :  Que  de  personnes 
se  servent  de  cette  expression  sans  en 
comprendre  toute  la  signification  !  Quelle  est 
cette  Eglise,  et  à  quelle  époque  remonte-t-elle? 
Comment  peut-elle  justifier  son  nom  et  sa  place 
dans  l'histoire  des  peuples? 

Que  d'erreurs  sont  lépandues  dans  le 
monde  au  sujet  de  l'Eglise  anglicane I  A'eut-on, 
par  exemple,  s'enquérir  de  la  date  de  son  organi- 
sation ?  Les  uns  répondent  qu'elle  doit  sa  fonda-  Fausses 
tion  à  un  acte  du  Parlement  anglais;  d'autres,  ^otiofis. 
en  plus  grand  nombre,  afi&rmeront  que  cette  Eglise 
commença  avec  Henri  VIII  ;  qu'elle  n'est  qu'un 
des  multiples  fruits  de  la  Réforme  du  XATième 
siècle;  que  c'est  l'Eglise  des  riches  et  de  la  noblesse 
seulement  ;  que  ses  pasteuis  sont  pa^'és  par 
l'Etat;  qu'elle  n'est  qu'une  branche  de  l'Eglise 
romaine;  qu'enfin,  telle  que  cette  dernière,  elle  a 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

retardé,  au  lieu  d'avancer,  le  développement  moral 
et  intellectuel  des  peuples.  Xous  nous  proposons, 
dans  ce  qui  va  suivre,  de  démontrer  la  fausseté  de 
toutes  ces  assertions. 

L'Eglise  anglicane  existait  déjà  depuis  plu- 
sieurs siècles  quand,  pour  la  première  fois,  le  mot 
"Parlement  "  fut  introduit  dans  la  langue  anglaise. 
La  monarchie  n'était  pas  encore  fondée  en  An- 
Otgani-  gleterre  que  déjà  l'Eglise  anglicane  était  une 
TÈ^Use^  institution  florissante.  C'est  dire  que  cette  Eglise 
est  la  plus  ancienne  des  institutions  qui  virent  le 
jour  dans  les  Iles  Britanniques.  D'ailleurs,  c'est 
elle  qui  a  toujours  joué  le  plus  grand  rôle  dans  le 
relèvement  moral  des  peuples  qui  l'habitent.  Ce 
n'est  donc  pas  au  sein  de  la  Réformation  qu'il 
faut  placer  le  berceau  de  l'Eglise  anglicane, 
nous  devons  remonter  au  temps  des  premiers 
apôtres  de  Jésus-Christ. 

Comprenons,  d'abord,  ce  que  veut  dire  ce  mot 
"  L'Eglise  ".     L'Eglise  est  le  corps  mystique  de 
Jésus- Christ  (Col.  1-24),  auquel  les  chrétiens  sont 
unis  par  leur  baptême  (  Actes  1 1-41  ),   et  dans  le- 
ÇfJ^^y^^    quel  ils  sont  nourris  par  les  movens  de  grâce  dési- 
*  gnés  par   Jésus-Christ   lui-même    (Actes  11-42, 

VIII    14-37,   XIX-5-7)-     C^s   moyens  de  grâce 
sont  administrés  par  des  personnes  dûment  auto- 

10 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


risées  par  les  évêques  qui  sont  les  successeurs  des 
apôtres  (Tite  I.  5).  Jésus-Christ  vint  sur  cette 
terre  pour  établir  une  église  (Matt.  XVI  18). 
Il  choisit  douze  Apôtres  pour  en  être  les  pierres 
fondamentales,  lui-même  devant  en  être  exclusi- 
vement la  pierre  d'angle  (  Eph.  11  20).  Christ 
donna  aux  Apôtres  la  mission  d'enseigner  et 
de  baptiser  les  nations  (Matt.  XXVIII.  19-20  ), 
et  les  Epitres  nous  montrent  clairement  comment 
ils  remplirent  cette  mission.  Vers  l'an  30,  après  ^fjf^'''^' 
avc)ir  entendu  la  prédication  de  St.  Pierre,  3000  Voj'a^-es 
personnes  se  convertissent  et  sont  ajoutées  à  l'E-  ^^  p^^^i 
glise  par  la  cérémonie  du  baptême  (  Actes  1 1-41  ). 
Plus  tard,  St.  Paul  se  convertit  (Actes  IX  18-20), 
et  devient  un  des  plus  fidèles  serviteurs  du  Christ. 
Cet  Apôtre  fit  plusieurs  voyages  missionnaires. 
Il  visita  l'Arabie,  l'Asie-Miiieure,  l'Espagne  et  la 
Gaule.  Plusieurs  historiens,  dès  le  premier  siècle 
du  Christianisme,  affirment  que  St.  Paul  se  rendit 
en  Angleterre,  ce  que  très  probablement  il  fit  afin 
d'aider  à  l'établissement  du  Christianisme  dans 
ces  contrées  lointaines. 

En  l'an  44  des  Presbyteri,  ou  anciens,  sont 
établis  dans  chaque  Eglise  (Actes  XIV  23), 
comme  l'avaient  déjà  été  les  diacres  qu'on  avait 
choisis  et  mis  à  part  par  l'imposition  des  mains 

II 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

(  Actes  VI  ),  et  St.  Paul,  à  Ephèse,  charge  Timo- 
thée  d'ordonuer  des  prêtres  et  de  les  établir  dans 
les  Eglises  (  I  Tim.  V-22  ). 

Les  Eglises  étant  devenues  trop  nombreuses 

^    ,.  pour  que  les  Apôtres  pussent  les  surveiller  toutes, 

i'on  des     il^  établirent  des  nommes  capables  de  leur  aider 

Evêqiies     (  Tite  1-5-10  ).     Ainsi  du  temps  de  St.  Paul,  et 

et  des 
Diacres,    longtemps  avant  la  mort  de  St.  Jean,  les  Eglises 

étaient  administrées  par  les  évêques,  assistés  de 

prêtres  et  de  diacres.    Cette  division  en  trois  ordres 

du  ministériel  apostolique    a    toujours   subsisté. 

tant  dans  l'ancienne    Eglise  bretonne  que    dans 

l'Eglise  anglicane  de  nos  jours. 

Un  siècle  à  peine  après  la  mort  de  St.  Jean 
les  chrétiens  pouvaient  déjà   dire:     "Nous   ne 
,       sommes  que  d'hier,  et  déjà  nous  remplissons  vos 
de  villes,    vos   municipes,    les   places   publiques,   le 

r Eglise,  palais,  le  forum.  Dans  les  champs,  dans  les  îles, 
dans  les  forteresses,  on  ne  rencontre  que  chré- 
tiens ;  gens  de  tout  âge,  de  tout  sexe,  de  toutes 
conditions  et  de  toutes  dignités  s'affilient  au 
Christianisme." 

En  l'an  43,  A.D.,  l'empereur  Claude,  accom- 
Invasion  pagné  d'une  flotte  de  800  vaisseaux  de  guerre, 
Romaine  débarque  à  Ebsfleet  et  commence  une  guerre  qui, 

12 


L'BGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

ayant  duré  40  ans^   se  termine  enfin  par  la  sou- 
mission de  la  Grande  Bretagne  et  son  occupation  ^/^/^^^"^^ 
par    les    armées  romaines   durant  plus    de    trois  César. 
siècles.    La  religion  des  anciens  Bretons  était  celle 
des  Druides.     Ils  avaient  le  plus  grand  respect 
pour  les  essences  forestières,  notamment  le  chêne. 
Ils  offraient  leurs  sacrifices  au  fond  des  bois,  dans 
des  lieux  obscurs,  parmi  ces  rois  de  la  forêt  dont    ^^^^^^^ 
la  hauteur  des  cimes  et  la  majesté  du  tronc  ins-  anciens 
piraient    tant    d'effroi    au    peuple.      Les    prêtres     ^^^'^■^' 
Druides  exerçaient  la  plus  grande  influence  sur 
les  événements  les  plus  courants  de  la  vie,  et  leurs 
paroles  étaient  regardées  comme  des  oracles. 

Le    langage    des  Bretons  était   le    Celtique, 
langue  commune  à  certains  peuples  de  la  Gaule. 
Les    Romains    introduisirent    le     latin,    l'anglo- 
saxon   fut  apporté  par  les  nations  germaniques,  j^ano-a^e 
puis  l'allemand  et  le  français   par  les  conquêtes  des 
des  Danois  et  des  Normands.      C'est  de  la  fusion    ''^  ^^^^' 
de  ces  cinq  idiomes    que  nous  avons    obtenu   la 
langue  anglaise. 


13 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


L 


CHAPITRE  II. 

L'Eglise  dans  la  Grande  Bretagne. 

'EGLISE  CHRETIENNE  dans  les  Iles  Bri- 
tanniques doit  son  origine  à  trois  sources 
distinctes.       Premièrement,     à    l'ancienne 
Eglise  bretonne  ;    deuxièmement,  à    la  mission 
d'Augustin  ;    troisièmement,    aux    missionaires 
2-na^es      ^'Ecosse   et  d'Irlande.     Nous   ne  saurions   dire 
d'ancie?is  positivement  par  qui  le  Christianisme  fut  intro- 
f/d^êa-t'  ^^^^  ^"  Angleterre.     Selon  l'histoiien  Théodoret, 
vains         St.  Paul  fut  un  des  Apôtres  qui  porta  le  salut  aux 
vwdernes  j^^^  ^^  l'Océan."     Au  nombre  <ie  ceux  qui  sont 
d'avis    que    St.     Paul    fut    un   des    apôtres    qui 
vinrent  évangéliser  les  Bretons  sont  les  évêques 
Stillingfleet,  Burgess,  Uslier,  Gibson  et  Nelson. 
Gildas.  le   sage    historien   breton  du  commence- 
ment du  Vlième  siècle,  dit  que  le  Christianisme 
fut  introduit  dans  les  Iles  Britanniques  en  l'an  6i 
après  Jésus-Christ.     St.  Clément  de  Rome,  com- 
pagnon intime  de  St.  Paul   (  Phil.    IV.  3  ),     dit 
qu'en  prêchant  l'Evangile,  St.  Paul  se  rendit  aux 
extrémités  de  l' Ouest.     Par  cette  dernière  expres- 
sion l'on  entendait  l'Espagne,  la  Gaule  et  les  Iles 

14 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Britanniques.  D'antres  historiens  affirment  que 
les  premiers  rites  chrétiens  furent  pratiqués  à 
Glastonbury  par  Joseph  d'Arimathée  et  ses  douze  y  ^^^o^^' 
compagnons.  Ce  que  nous  pouvons  affirmer  c'est 
qu'il  y  avait  en  l'an  300  une  Eglise  à  Glastonbury 
dont,  au  dire  d'un  ancien  historien,  Aristobulus, 
qui  mourut  en  99,  fut  le  premier  évêque.  D'après 
le  témoignage  universel  des  premiers  historiens 
chrétiens,  les  habitants  de  la  Grande  Bretagne  Londres. 
avaient  été  soumis  à  l'Evangile  avant  la  fin  du 
deuxième  siècle,  et  il  y  avait  un  évêque  à  Londres 
en  l'an  180.  St.  iVthanase  mentionne  les  Bretons 
au  nombre  de  ceux  qui  avaient  accepté  la  foi.  .^^  . 
Vers  l'an  200,  Tertullien  écrivait:  "Christ  est /zV;/. 
prêché  aux  Barbares  et  règne  sur  des  peuples  que 
les  Romains  n'ont  pu  soumettre,  dans  les  parties 
les  plus  éloignées  de  l'Espagne  et  de  la  Gaule 
ainsi  que  dans  les  Iles  Britanniques."  Au  qua- 
trième siècle  Eusèbe  affirme  que  quelques-uns  ^J/ï*:^^  ^^ 
des  apôtres  traversèrent  les  mers  et  vinrent  dans 
les  Iles  Britanniques,  C'est  à  St.  Paul  que  St. 
Jérôme  attribue  cette  mission  accomplie  par  lui 
après  sa  mise  en  liberté  (61  A.  D.).  Ces  témoi- 
gnages semblent  indiquer  que  le  christianisme 
s'introduisit  en  Angleterre  du  vivant  même  des 
Apôtres. 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Sous  l'empereur  Dioclétien,  l'Eglise  bretonne 
Persccu-     fQ^mit    plusieurs    martyrs.      Dans     la    ville    de 

il07lS.  ^ 

Caerlon-sur-Usk,  Arron  et  Julius  furent  mis  à 
mort.  Toutefois  c'est  St.  Alban  qui  est  reconnu 
comme  le  premier  martyr  de  l'Eglise  bretonne. 
Pour  échapper  à  ses  persécuteurs,  un  prêtre 
St.  Alban  s'était  réfugié  dans  la  maison  d'Alban,  noble  pa- 
tricien romain  alors  vivant  en  Angleterre.  La 
vie  tissée  de  piété  et  d'humilité  du  saint  prêtre 
fit  une  telle  impression  sur  Alban  qu'il  demanda 
à  être  baptisé.  Les  persécuteurs  ayant  découvert 
où  le  prêtre  chrétien  s'était  réfugié,  Alban  lui 
permit  de  s'échapper  une  seconde  fois,  en  changeant 
d'habits  avec  lui  et  alla  ensuite  se  constituer 
prisonnier.  Questionné  par  les  juges,  Alban  se 
déclara  chrétien.  A^'ant  refusé  de  sacrifier  aux 
divinités  païennes,  il  fut  condamné  à  m.ort.  Té- 
moin du  courage  et  de  la  foi  du  martyr,  le  soldat 
choisi  pour  l'exécution  laissa  tomber  son  épée, 
déclarant  qu'  il  acceptait  lui-même  la  foi  chrél  ienne. 
Il  fut  immédiatement  traduit  en  justice  et, 
ainsi  qu' Alban,  souffrit  le  martyre  le  22  Juin  304, 
près  de  300  ans  avant  la  venue  d'Augustin  en 
Angleterre.  K.  l'endroit  même  oii  périrent  ces 
deux  chrétiens,  l'empereur  Constantin  fit  bâtir 
une  église  pour  perpétuer  la  mémoire  de  St.  Alban, 

16 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME.    ' 

Cette  église  se  trouve  encore  aujourd'hui  dans  la 
ville  de  St.  x\lban  à  30  miles  de  la  ville  de 
Londres. 

En  l'an  314  eut  lieu  le  concile  d'Arles.     Trois 
évêques  bretons,  Restitutus  de  Londres,  Euborius  d'Arles, 

d'York  et  Adelphius  de  Lincoln,  se  rendirent  à  ce  de  2sicée 

et  d''  Avt- 
concile,  accompagnés  chacun  d'un  prêtre  et  d'un 


jmmuni. 


diacre.  Les  conciles  de  Nicée  (325)  et  de  Rimini 
(359)  rassemblèrent  un  nombre  encore  plus  grand 
d'évêques  bretons.  Nous  vo3'ons  donc  que  dès 
le  déclin  du  Illième  siècle  de  notre  ère,  le  Chris- 
tianisme était  déjà  fermement  établi  dans  la 
Grande-Bretagne  et  que  l'Eglise  était  gouvernée 
par  des  évêques,  des  prêtres  et  des  diacres,  et  que 
l'évêque  de  Rome  n'avait  aucune  autorité  sur  elle. 
Sous  le  règne  d'Honorius,  les  Bretons  avaient 
déjà  secoué  le  joug  de  Rome.  Mais,  se  vo3'ant 
menacés  par  les  Pietés  et  les  Scots,  ils  eurent  re- 
cours, pour  repousser  ces  barbares,  à  Tinter^'ention  A?igIo- 
des  Saxons  et  des  Angles,  deux  peuples  féroces  '^-'^^ns. 
et  païens.  Les  Anglo-Saxons  s'établirent  dans  la 
Grande-Bretagne,  et  après  avoir  vaincu  les  Pietés 
et  les  Scots,  réduisirent  ceux  qui  les  avaient 
appelés.  Ceux  qui  purent  échapper  à  la  persé- 
cution des  païens  se  dirigèrent  vers  l'ouest  dans 
la  Cornouaille,  le  pays  de  Galles  et  le  Cumberland. 

17 


07'igine 

des 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

C'est  pour  cette  raison  qu'à  partir  de  l'année  449 
les  annales  de  l'église  chrétienne  ne  font  mention 
que  de  ces  parties  en  Angleterre.  Le  Christia- 
nisme avait  pour  ainsi  dire  disparu  des  lieux  où 
il  avait  été  primitivement  établi 


^J^^ 


~W^ 


18 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


CHAPITRE  III. 
Missionnaires. 

TL  serait  impossiVjle,  dans  le  cadre  restreint  de 
cet  essai,  de  mentionner  tous  les  mission- 
naires qui,  pendant  les  premiers  siècles,  vinrent 
dans  la  Grande-Bretagne.  Xons  nous  bornerons 
seulement  à  citer  le  nom  des  principaux.  Remar. 
quons,  en  passant,  que  ce  n'est  pas  à  Rome  seule 
que  l'Angleterre  doit  sa  conversion  ;  cet  lionneur 
appartient  aussi  aux  missionnaires  qui  vii:rent  de 
l'Ecosse,  de  l'Irlande  et  de  la  Gaule  méridionale. 
Vers  la  fin  du  quatrième  siècle,  Xinj-as  ou  Xinian,  _    . 

fils  d'un  prince  Breton,  avait  été  envoyé  (384  AD.)  ^;^'/ 
pour  évangéliser  les  païens  du  nord  de  la  Bretagne 
Il  s'établit  en  Ecosse  où  il  fut  évêque,  et  mourut 
en  432,  au  moins  165  ans  avant  la  mission 
d'Augustin.  "  Nous  savons,  d'autre  part,  "  dit 
l'historien  Chastel,"  que  l'Eglise  bretonne,  jusqu'à 
la  conquête  des  Anglo-Saxons,  repoussa  le  rite 
romain  et  l'autorité  papale.  " 

Un  des  premiers  missionnaires  fut  St.  Colom- 
ban.       Il    naquit    en     Irlande,     et    fut     instruit 

19 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

l  mb' t  ^^  monastèie  de  Clonard.  Vers  l'an  564,  alors 
qu'il  avait  trente  ans,  Colomban  passa  dans 
la  Grande  Bretagne  et  s'établit  dans  une  île 
appartenant  à  l'Ecosse  où  il  fonda  le  célèbre 
monastère  d'Iona.  Les  rois  d'Ecosse  et  d'Irlande, 
pendant  plusieurs  siècles,  vinrent  dans  cette 
île  pour  y  être  couronnés  par  St.  Colomban  et 
ses  successeurs.  La  pieire  sur  laquelle  ces  princes 
s'assej'aient  pour  leur  couronnement  est  actuel- 
lement placée  sous  le  trône  de  l'abbaye  de  West- 
minster, et  sert  encore  aujourd'hui  au  souverains 
anglais  dans  une  occasion  semblable. 

CONVERSION  DES  ANGLO-SAXONS. 

Grégoire,  plus  tard  surnommé  le  Grand,  mais 
alors  simple  diacre,  se  promenant  un  jour  par  le 
marché  de  Rome,  vit  des  petits  garçons  qu'un  Juif 
mettait  en  vente.  Frappé,  tant  par  leur  chevelure 
Gi'ègoire  blonde  que  par  la  beauté  et  la  blancheur  de  leur 
Grand.  visage,  Grégoire  s'informa  de  leur  pays  et  de  leur 
religion.  "  Ils  sont  Angles,  mais  idolâtres,  " 
lui  répondit-on.  "Ils  ne  seraient  pas  des  Angles, 
mais  des  anges,  s'ils  étaient  chrétiens,  "  répliqua 
Grégoire.  Une  fois  évêque  de  Rome.  Grégoire 
résolut  d'envoj'er  des  missionnaires  en  Angleterre. 
Il  choisit   pour  chef  de  cette  mission   Augustin 

20 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME 

prieur  du  monastère  de  St.  André.  Les  mis- 
sionnaires, au  nombre  de  40,  arrivèrent  à 
Ebsfleet  le  23  Juillet  597.  Ethelbert,  roi  des  ^^'^^'^^^^^ 
Angles  et  des  Saxons,  avait  épousé  une  chré- 
tienne, Berthe,  fille  de  Charibert,  roi  des 
Francs.  Ethelbert,  quoique  païen  lui-même, 
favorisa  la  mission  d'Augustin.  Il  ordonna  aux 
missionnaires  de  demeurer  dans  l'Ile  de  Tanet 
jusqu'à  ce  qu'une  décision  fut  prise  à  leur  sujet. 
Un  certain  jour  Ethelbert  manda  Augustin  et 
ses  compagnons;  qu'il  voulut  recevoir  en  plein 
air,  craignant  quelqu'opération  magique.  Les 
missionnaires  vinrent  en  procession,  portant 
une  croix  d'argent  et  l'im.age  peinte  du  Sauveur 
crucifié,  et  demandant  à  Dieu,  dans  des  litanies  com- 
munes, leur  salut  et  celui  du  peuple  qu'ils  étaient 
venus  évangéliser.  Ethelbert.  assis  avec  ses  nobles 
sous  les  branches  d'un  grand  chêne,  permit  aux 
missionnaires  de  s'asseoir.  Augustin,  au  moyen 
d'un  interprète,  leur  annonça  la  bonne  nouvelle 
du  salut.  Toutefois,  le  roi  ne  voulut  se  compro- 
mettre en  aucune  manière.  Il  les  autorisa  à 
poursuivre  leur  œuvre  et  à  baptiser  ceux  qu'ils 
pourraient  persuader,  et  leur  donna  asile  à 
Doroverne,  antique  capitale,  aujourd'hui  connue 
sous  le  nom  de  Cantorbéry. 

21 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

PrèsdeCaiitorbéry  se  trouve  une  petite  église 
Si.  Mar  ^^j  depuis  plus  de  treize  siècles  porte  le  nom 
Tours.  de  St.  Martin  de  Tours.  C'est  dans  cette  église 
que  la  pieuse  Berthe  adorait  son  Dieu.  Les  niis- 
siDunaires  romains  s'y  établirent,  se  livrant  con- 
tinuellement à  la  prière  et  prêchant  la  parole  de 
vie  à  tous  ceux   qui   venaient   l'entendre.     Tou- 

Conver-     q\x^^  de  la  vie  simple  des    missionnaires  et  de  la 

sion  du  '^        . 

roi  douceur  de  leur  doctrine,   une    foule  de    païens 

Ethelbert  ^ç.  ^^^wX.  baptiser.  Le  roi  Ethelbert,  après  mûre 
réflexion,  accepta  la  foi  chrétienne,  entraînant 
avec  lui  nombre  de  ses  sujets.  Il  fut  baptisé 
le  7  juin  597.  Après  la  conversion  du  roi.  le 
nombre  de  ceux  qui  venaient  aux  instructions 
s'accrut  tellement  de  jour  en  jour  qu'Ethelbert 
fit  don  d'un  emplacement  convenable  pour  y  bâtir 
une  cathédrale  et  de  biens  suffisants  pour  son  en- 
tretien. 

C'est  à  cette  époque  que  mourut  St.  Colomban, 

, ,    ,  ,      le  plus  noble  de  tous  les  missionnaires  qui  soient 

St.  Co-       jamais  venus  dans  la  Grande  Bretagne.     Il  laissa 

lombaji.     assez  de  disciples  pour  continuer,  en  Irlande  et  en 

Ecosse,     l'œuvre    qu'il    avait     si    heureusement 

commencée. 

Augustin  était   passé    en   France  pour  être 
consacré  archevêque  des  Anglais  par  Vergile,  ar- 

22 


l'eglisp:  anglicane  avant  la  reforme. 

chevêque  d'Arles,  et  Etherices,  évêqiie  de  Lyon. 
A  son  retour  en  Angleterre  il  baptisa  plus  de  lo.ooc 
Anglais  le  jour  de  Noël  597. 

Augustin  écrivit  ensuite  à  Grégoire  le  Grand 
au  sujet  des  évêques  bretons  qui,  comme  nous 
l'avons  vu,  s'étaient  réfugiés  dans  les  provinces 
de  Galles  et  de  Cornouaille.  Grégoire  répondit 
qu'ils  devaient  tous  se  soumettre  à  Augustin;  que 
si,  dans  quelqu'église  que  ce  soit,  romaine,  bre- 
tonne ou  autre,  il  trouvait  quelque  coutume  qui 
fût  plus  agréable  à  Dieu,  il  devait  l'introduire 
dans  la  nouvelle  église  des  Anglais.  C'est  ce  que 
fit  Augustin,  prouvant  clairement  que  l'église 
anglaise  était  indépendante  de  celle  de  Rome- 
Toutefois  les  évêques  bretons  ne  \'oulurent  pas 
accepter  Augustin  pour  leur  archevêque,  et  reje- 
tèrent les  suggestions  de  l'évêque  de  Rome.  L,e 
roi  Ethelbert  convoqua  alors  un  concile  à  Angus- 
téueizat  en  l'an  602. 

Sept  évêques    bretons    vinrent  à  ce  concile   „      ., 
^       ^     ^  Conaie 

accompagnés   de    plusieurs  savants   de    Brancor,  D'augus- 
monastère    de    grande  réputation  auquel   Dunot  ^<?'''<^^^^^- 
était  attaché  comme  abbé.      Ce  monastère  était 
divisé  en  sept   parties   dont   la   moindre  comptait 
plus  de  300  moines.    Avant  de  se  rendre  au  concile, 


23 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

les  évêques   bretons  allèrent  consulter  un   ana- 
chorète qui  s'était  acquis  une  réputation  de  sa- 
gesse et    de    sainteté,    et    lui    demandèrent    s'ils 
devaient    abandonner  leurs  anciennes  traditions 
pour  suivre  Augustin.     L'anachorète  répondit  : 
'  'Si  cet  Augustin  est  un  homme  de  Dieu,  suivez-le. 
S'il  vient  à  votre  rencontre  quand  vous  arriverez 
au  concile,  sachez  que  c'est  un  serviteur  de  Jésus- 
Christ.     S'il  ne  se   lève   pas   pour  vous  recevoir, 
méprisez-le,  comme  il  vous  aura  méprisé."    Arri- 
vés au  concile,  les  évêques  bretons  trouvèrent  Au- 
gustin   assis.      Ils  jugèrent    alors    qu'il    était  or- 
gueilleux    et     refusèrent     de     l'accepter     pour 
archevêque.        Dunot,     parlant     en     leur     nom, 
dit  "Qu'ils  ne    sauraient    reconnaître  à  l'évêque 
de  Rome  aucune  suprématie  sur  les  églises  puisque 
dès   le    commencement   tous   les  évêques  étaient 
égaux.      Sur  le  point  de  se  séparer,  Augustin 
dit,    "Puisque   vous   n'avez   pas   voulu   la   paix 
avec  des  frères,    vous    aurez   la   guerre   avec  des 
ennemis.  "      Cette   prophétie    s'accomplit    quand 
Edilfrid,  roi  de  Xorthumber,  s'empara  de  la  ville 
de   Chester,  et  fit  mourir   près   de  douze  cents 
moines  du  monastère  de  Brancor. 

Dés  l'an  604,  Augustin  avait  consacré  deux 
évêques,  Mellit  et  Juste.    Mellit  s'établit  à  Londres 


24 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME, 


où  il  convertit  Sigebert,  roi  des  Saxons  Orientaux.  ^^^^^  ^^ 
Sur  l'ancien  emplacement  d'un  temple  dédié  à  la  Sigebert. 
déesse  Diane,  Sigebert  fit  bâtir  l'église  de  l'apôtre 
St.  Paul  qui  devait  devenir  la  Cathédrale  de  Lon- 
dres. Juste  fut  évêquede  Rochester,  dans  la  pro- 
vince de  Kent,  Ethelbert  y  fit  bâtir  l'église  de 
St.  André  et  lui  donna  de  grands  biens  comme  il 
avait  fait  pour  l'église  de  Cantorbéry.  De  plus  il  fit 
passer  des  lois  par  son  conseil  afin  d'assurer  aux 
églises  la  possession  de  ces  biens. 

Ayant  consacré  Laurent  comme  son  succes- 
seur, Augustin  mourut  le  26  mai  606.  Il  fut 
enterré  à  Cantorbéry,  près  de  l'église  de  St.  Pierre 
et  St.  Paul  qui  n'était  pas  encore  achevée. 
Augustin  avait  fait  revivre  le  Christianisme  en 
Angleterre,  converti  une  multitude  d'âmes  dans 
le  royaume  de  Kent,  et  fondé  des  églises  à  Londres 
et  à  Rochester. 


"'0 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  RZF0R:^E. 


DEUXIEME  PARTIE. 


CHAPITRE   IV. 

Conversion  du  Roi  de  Xorthumber. 

EDWIX,  roi  de  Xorthumber,  avait  épousé 
Edelburge.  sœur  d'Ethelbald,  roi  de  Kent. 
Cette  princesse  obtint  la  conversion  du  roi  son 
époux  et  de  ses  sujets.  Avant  d'être  baptisé, 
Edwin  assem]:)la  les  membres  de  son  conseil,  et 
leur  demanda  ce  qu'ils  pensaient  de  la  nouvelle 
foi.  Un  de  ceux  qui  étaient  présents  répondit  : 
"  O  roi,  la  vie  présente  me  parait  semblable  à 
un  petit  oiseau  qui  passerait  l'hiver  dans  une 
salle  OTi  r  on  fait  bonne  chère  auprès  d'un  grand  feu. 
Cet  oiseau,  en  volant  d'une  porte  à  l'autre,  se 
réchauffe  un  moment  à  l'air  de  la  salle  et  dispa- 
raît à  la  vue.  Il  en  est  ainsi  de  la  vie  humaine, 
et  nous  ne  savons  ni  ce  qui  la  précède  ni  ce  qui  la 
suit.  Si  cette  nouvelle  doctrine  nous  en  apprend 
quelque  chose  de  plus  certain,  il  est  rai.sonnable 

26 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

de  la  suivre."  L'évêque  Paulin,  qui  avait  été 
convoqué  pour  la  circon>tance,  fit  connaître  sa 
mi-ssion.  et  le  roi  E  Iwin  ayant  déclaré  publique- 
ment qu'il  renonçait  à  l'idolâtrie  pour  accepter  la  ^^^^ 
foi  en  Jésus-Christ,  fut  baptisé  ainsi  que  toute  la 
noblesse  et  une  bonne  partie  du  peuple,  le  i  r 
avril  627,  dans  une  église  de  bois  qu'il  avait  fait 
bâtir  pour  la  circonstance.  L-  roi  établit  Paulin 
dans  la  ville  d'York,  où.  nous  savons  qu'un  grand 
nombre  de  personnes  vinrent  entendre  la  prédi- 
cation, et  recevoir  le  baptême  des  mains  du  saint 
évêque. 

Le  roi  Edwin,   qui  était  rempli  de  zélé  attira 

,  .  .         .  St.  Félix 

à  la  foi  chrétienne  les  anglais  orientaux  et  leur 

roi,     Carpuald.        Honorins,     alors     archevêque 

de     Cantorbéry,      leur     envoya    l'évêque    Félix 
qui    convertit    toute    la  province    et    établit    son 

siège  épiscopal  dans  la  ville  de  Dumroc. 

D'un  autre  coté  St.  Paulin  étendit  ses  travaux 
missionnaires,  jusque  dans  la  province  de  Lindici 
et  convertit  le  Gouverneur  de  Lincoln. 

Au  cours  de  cette  période  d'accroissement  et 

d'extension  de  l'église,  Edwin  fut  tué  et  son  armée 

anéantie    par    Penda,    loi    des  Merciens.       Cette 

victoire  faillit    amener   la    ruine   de   l'Esrlise   de   ,,    ^ 

Mort 
Nortnumber.     St.  Paulm,  accompagne  de  la  leine  d' Edwin. 

27 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


wald. 


Edelburge,  dut  s'enfuir  dans  le  royaume  de  Kent, 
où  il  reçut  la  charge  de  l'Eglise  de  Rochester. 

liy^^  Cependant   le    diacre   Jacques   était  resté    à 

York,  instruisant  et  baptisant,  léguant  ainsi  à  la 
postérité  le  souvenir  d'un  courage,  d'un  zèle,  et 
d'une  probité  qui  demeureront  ineffaçables  dans 
les  annales  de  l' Eglise  anglicane.    Oswald,  surnom- 

St.  Os-  mé  le  Saint,  le  nouveau  roi  de  Xorthumber,  voulut 
rétablir  le  Christianisme  si  rudement  ébranlé  par 
Penda.  Il  s'adressa  aux  anciens  du  monastère 
d'Iona.  Ces  moines  Ecossais  ayant  tenu  conseil 
résolurent  d'envoyer  un  des  leurs.  Ils  choisirent 
pour    cette    mission    Aidan,     jeune    prêtre    que 

St.  Ai-  l'Eglise  romaine  a  mis  au  rang  de  ses  évêques 
canonisés,  quoiqu'il  n'eût  jamais  eu  l'autorisation 
du  Pape.  Aidan  établit  son  siège  épiscopal  à 
Lindisfarn,  surnommée  depuis  l'Ile  Sainte. 

Le  roi  Oswald  servait  presque  toujours  d'inter- 
prète au  saint  évêque,  et  était  pour  son  peuple  un 
salutaire  exemple.  Partout  où  l'on  bâtissait  des 
églises,  le  roi  accordait  des  subsides  pour  subvenir 
à  leur  entretien. 

St.  Aidan,  tout  le  premier,  pratiquait  ce  qu'il 
enseignait.  Détaché  de  tous  les  biens  de  ce 
monde,  il  allait  ordinairement  à  pied,  arrêtant 
ceux  qu'il  rencontrait,   pauvres  ou  riches,    pour 

28 


dan. 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

faire  naître  la  foi  chez  ceux  qui  ne  l'avaient  pas 
et  la  fortifier  chez  ceux  qui,  par  l'aumône  et  les 
bonnes  oeuvres,  méritaient  quelque  peu  le  titre 
de  chrétien.  Il  exigeait  de  tous  ceux  qui  l'accom- 
pagnaient une  application  journalière  à  la  lecture 
des  Ecritures  et  à  l'étude  des  Psaumes.  Oswald, 
quoique  roi  très  puissant,  profita  si  bien  des 
instructions  de  St.  Aidan,  qu'il  devint  humble 
et  doux  pour  les  pauvres,  et  très  libéral  envers 
toutes  les  institutions  de  charité.  Aussi  le  chris- 
tianisme fit-il  de  grands  progrès  dans  tout  le 
royaume  de  Xorthumber. 

Un  autre  champ  missionnaire  s'ouvrit  dans 
Ouessex  parmi  les  Sav.ons  occidentaux,  L'évê-  St.Biyin. 
que  Birin  s'y  établit  en  634.  Après  la  con- 
version du  roi  Ginégile,  Dorchester  devint  le  siège 
épiscopal  de  ce  pays.  C'est  de  Dorchester  que 
sont  sortis  les  diocèses  de  Winchester,  de  Lincoln, 
et  d'Oxford.  St.  Birin  établit  des  églises  dans 
toutes  les  villes  de  son  immense  diocèse. 

En  l'an  653.  quatre  prêtres,  Cedde,  Adda, 
Betti  et  Diuma  s'établirent  dans  la  province  des 
Middle  Angles.  Les  trois  premiers  étaient  du  "'^'^^• 
royaurae'de  Northumber;  Diuma  venait  d'Irlande. 
C'est  de  cette  mission  que  date  la  fondation  de  la 
Cathédrale   de    Litchfield.     Diuma   fut  consacré  ■  ^ 


?9 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

évêque  des  Middle  Angles  et  des  Merciens  en 
l'an  656. 

St.    0--wald  eut   pour   successeur    son    frère 

Oswin.      Xe  pouvant  plus  supporter  les   injures 

de    Penda    qui.    bien    qu'avancé    en    âge    restait 

toujours  l'ennemi  implacable  des  chrétiens,  Cswin 

fit  vœu  de  consacrer  au  service  de  Dieu  sa  fille 

Elfred    s'il    obtenait    la    victoire    sur    les  païens. 

Bataille     C'est  le   15  novembre  625  qu'eut  lieu  la  bataille 

fjr.      .,    de    Winwidfield.     Oswin   battit   l'armée   païenne 

field.  trente  fois  supérieure  en  nombre.     Penda  fut  tué, 

et  sa  mort  marqua  la  chute  du  paganisme. 

St.  Aidan  mourut  le  20  août  651.     Le  même 
jour  St.    Cuthbert,   prêtre  aussi  éminent  par  son 
bert.  savoir  que  par  ses  vertus  chrétiennes,  fut  admis  à 

l'Abbaye  de  Maiiros  II  bâtit  un  monastère  à 
Répon.  auquel  il  travailla  de  ses  propres  mains  plus 
que  tous  ses  frères.  St.  Cuthbert  fut  très  popu- 
laire dans  le  Nord  de  l'Angleterre  où  il  fit  de 
nombreux  voj'ages  missionnaires.  Sa  réputation 
de  sainteté  fut  si  grande,  qu'en  dépit  de  sa  vieil- 
lesse, il  fut  nommé  évêque  de  Lindisfarn  et  mou- 
rut enfin  à  Maiiros  le  20  mars  687.  Il  fut  enterré 
d'abord  à  Lindisfarn,  mais  plus  tard  sa  dépouille 
mortelle  fut  déposée  à  Durham. 


;o 


L'EGLTvSE  AXGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Nous  ne  saurions  terminer  cette  partie  de 
notre  étude  sans  faire  mention  de  St.  W'ilfrid, 
autre  missionnaire  distingué.  Wilfrid  naquit 
dans  le  royaume  de  Xorthumber  en  l'an  634.  A  r^'^^ 
l'âge  de  14  ans,  il  fut  admis  au  monastère  de 
Lindisfarn.  Ccmme  il  désirait  être  ordonné 
par  un  soi-disant  successeur  de  St.  Pierre,  il  se 
rendit  à  Rome  en  l'an  653.  accompagné  de  Biscop, 
surnommé  Benoit,  jeune  homme  appartenant  à  la 
noblesse  de  Northumber.  Après  avoir  reçu  l'im- 
position des  mains  et  la  bénédiction  papale,  Wil- 
frid revint  en  Angleterre  et  s'établit  à  Répon, 
préférant  cette  ville  à  tout  autre.  Dans  une  con- 
férence tenue  au  monastère  de  Stréneshal,  dont 
Hilde  était  Abbesse  en  664,  Wilfrid,  montrant 
plus  de  zèle  que  de  discrétion,  abolit  les  usages 
particuliers  à  l'église  bretonne,  et  établit  la  cou- 
tume et  la  pâque  romaines.  Il  gagna  le  roi 
Oswin  qui,  lui  au.ssi.  abandonna  les  pratiques  de 
Lindisfarn.  La  même  année  (664)  Wilfrid  se 
rendit  en  Gaule  où  il  fut  consacré  évêque  d'York 
par  Agilbert,  évêque  de  Paris.  Wilfrid  s'étant 
absenté  trop  longtemps  de  son  diocèse^  le  peuple 
demanda,"  à  Oswin  un  autre  évêque.  Cedde, 
abbé  de  Lestinghen,  homme  savant  dans  les  - 
Ecritures    et    de    mœurs    exemplaires,    fut    élu 

31 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

évêque  en  666.  Wilfrid,  de  retour  en  Angleterre, 
aima  mieux  retourner  à  son  monastère  de  Répon 
que  de  contester  l'élection  de  Cedde.  En  669 
Théodore,  archevêque  de  Cantorbér}',  cassa  l'or- 
dination de  Cedde  et  rétablit  Wilfrid  dans  le 
diocèse  de  York.  Touché  par  l'humilité  de 
Cedde,  Théodore  et  Wilfrid  luidonnèrentl'Evéché 
des  Merciens.  Il  choisit  Litchfield  pour  sa  cathé- 
drale et  bâtit  une  église  qu'il  dédia  à  Ste  Marie. 


«^jjp 


32 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

CHAPITRE  V. 

Organisation  de  L'Eglise  Xationale. 

V7  ^  l'an  668,  Théodore  de  Tarse,  moine  ro- 
J — ^  main,  âgé  de  66  ans,  fut  consacré  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  Il  parcourut  tout  les  Théodore 
lieux  habités  de  l'Angleterre  et  rétablit  le  bon  de 
ordre  dans  toutes  les  communautés  religieuses. 
Théodore  fut  le  premier  archevêque  à  qui 
toute  l'Eglise  anglicane  se  soumit;  jusqu'alors 
il  n'}'  avait  pas  eu  d'église  nationale.  C'est  à 
Théodore  qu'était  réservée  la  tâche  d'accomplir 
cette  oeuvre  importante. 

Le  2\  septembre  673,  Théodore  convoqua  à 
Hereford  un  concile  des  évêques  de  toute  l'An- 
gleterre. Un  sommaire  de  l'Acte  de  ce  concile 
fut  nettement  dressé  par  Théodore  Neuf  réso- 
lutions touchant  le  bien-être  et  le  gouvernement 
de  l'Eglise  furent  adoptées,  et  chaque  évêque  y 
apposa  son  sceau-  Cette  assemblée  restera  à 
jamais  mémorable,  car,  tout  en  consolidant  l'unité 
ecclésiastique,  elle. fut  la  première  qui  revêtit  un  Concile 
caractère   vraiment    national,    puisqu'elle    devait  y^,,^^ 

où 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

légiférer  toute  l'Angleterre.  Elle  développa 
l'idée  de  l'unité  nationale,  étant  ainsi  le  précurseur 
du  Parlement  national.  Ainsi  nous  vo^'ons  que 
c'est  l'église  qui  consolida  l'Angleterre  et  donna 
naissance  au  parlement.  La  monarchie  anglaise 
ne  devait  commencer  que  155  ans  plus  tard. 

Théodore  se  montra  plus  indépendant  de 
l'évêque  de  Rome,  que  Wilfrid  ne  l'avait  d'abord 
espéré.  Enire  autres  choses  le  concile  d'Hereford 
avait  divisé  le  diocèse  d'York  en  cinq  parties. 
Après  avoir  vainement  protesté  contre  le  démem- 
brement de  son  diocèse.  Wilfrid  se  rendit  à  Rome, 
pour  demander  justice  au  Pape.  Cet  appel 
d'un  évêque  anglais  à  Rome  est  resté  célèbre 
dans  l'histoire,  et  la  page  qu'il  vint  ajouter  aux 
annales  de  l'Angleterre  ne  laissa  pas  de  produire 
une  impression  étrange,  vu  qu'il  n'avait  encore 
aucun  précédent.  Le  pape  Agathon  assembla  un 
concile  de  plus  de  cinquante  évêques,  qui  déclarè- 
rent que  Wilfrid  avait  agi  avec  prudence  et  ordon- 
nèrent qu'il  fut  rétabli  dans  son  évêché  et  que  les 
évêques  primitivement  installés  par  Théodore  fus- 
sent déposés.  Wilfrid,  à  son  retour  en  Angleterre, 
alla  trouver  le  roi  de  Xorthuml^er  et  lui  présenta  les 
décrets  du  Saint  Siège  .sou.scrits  par  tout  le  concile 
de  Rome,  avec  les  bulles  et  les  .'^ceaux.     Le  roi 


:^4 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Elfrid  assembla  la  noblesse  et  le  clergé.  Ceux-ci 
rejetèrent  immédiatement  le  décret  papal  et 
Wilfrid  fut  condamné  à  neuf  mois  de  prison  dans 
un  caveau  très  obscur.  Ainsi  se  termina  d'une 
façon  lamentable  le  premier  appel  à  la  cour  de 
Rome.  Ce  fait  établit  clairement  que  jusque  là 
réglise  anglicane  était  indépendante  de  la  juri- 
diction romaine. 

Après   sa  mise  en  liberté,   Wilfrid  alla   avec 

cinq  prêtres  prêcher    l'Evangile  aux  habitants  de 

Sussex.     Ceux-ci  ignoraient  entièrement  le  Chris 

tianisme  quand  le  saint  évêque  se  rendit  parmi   IViffrid 

eux.      Ces  habitants  étaient    tellement    barbares  'Convertit 

,  les  habi- 

que.   quoiqu'il  3^  eût  a  cette  époque  une  grande  tants de 

famine,  ils  ne  savaient  comment  pêcher  les  pois-  ►^'//j.s-é'-r. 
sons  qui  abondaient  dans  la  mer  et  dans  toutes 
les  rivières  du  pays.  Wilfrid  leur  apprit  à  pren- 
dre des  poissons  avec  des  seines.  Ces  barbares 
en  vinrent  à  aimer  le  saint  homme  et  se  converti- 
rent en  grand  nombre.  Ayant  fondé  le  monastère 
de  Selsey,  Wilfrid  marqua  le  commencement  de 
son  épiscopat  par  un  acte  de  charité  qui  perpétuera 
sa  mémoire.  I^e  roi  Ethelvale  avait  donne  ^ 
Wilfrid  une  terre  avec  laquelle  étaient  compris 
comme  esclaves  tous  les  habitants  au  nombre  de 
300.      Aussitôt  qu'il  fut  en  possession  de  ce  terrain, 

3.S 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


Concile 
de 

Franc- 
fort. 


Wilfrid  rendit  la  liberté  à  tous  ces  esclaves. 
Après  avoir  été  évêque  45  an.-^,  Wilfrid  mourut 
eu  l'an  707,  et  fut  enterré  à  Répon. 

C'est  avec  Wilfrid  que  se  termina  la  plus 
brillante  époque  de  l'histoire  ancienne  de  l'Eglise 
anglicane.  Dans  toute  la  chrétienté  l'Angleterre 
était  appelée  "une  source  de  lumière."  En 
aucun  pays  du  monde  le  christianisme  n'a  laissé 
d'impression  plus  profonde. 

En  Tan  792,  le  roi  Charlemagne  avait  invité 
les  évêques  anglais  à  se  soumettre  aux  décrets  de 
l'église  grecque  en  faveur  du  culte  des  images. 
Les  protestations  de  l'église  anglicane  furent  si 
énergiques  que  Charlemagne  dut  convoquer  un 
concile  de  300  évêques  à  Francfort.  Le  concile 
condamna  cette  doctrine.  Ainsi  l'Angleterre  pré- 
ser\'a,  pour  un  temps  du  moins,  l'Eglise  universelle 
de  ce  qui  était  non  seulement  une  grande  erreur, 
mais  même  une  coutume  idolâtre.  Bn  l'an  754  le 
concile  de  Constantinople  avait  déclaré  le  culte 
des  images,  positivement  condamné  par  le  second 
Commandement,  et  par  suite  contraire  aux  ensei- 
g^nements  de  l'Eglise  primitive. 


36 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


CHAPITRE   VI. 

Invasions  des  Danois  et  des  Normands. 

L'invasion  danoise  arrêta  non -seulement  les 
progrès  du  Christianisme,  mais  même  dans  cer- 
tains endroits,  en  effaça  entièrement  les  traces. 
En  835  ces  hommes  du  Nord  débarç|uèreut  sur 
ies  côtes  de  Cornouaille,  dévastant  le  pays 
pendant  15  ans,  pillant  et  brûlant  les  églises  et 
les  monastères.  Les  prêtres  et  les  évêques  furent 
tués  en  grand  nombre.  De  tous  les  royaumes  de 
l'heptarchie  il  n'y  eut  que  celui  de  Kent  qui  ne 
tomba  pas  sous  la  domination  des  Danois.  Alfred 
le  Grand,  étant  devenu  roi,  réussit  par  une  série 
de  victoires  à  obtenir  un  traité  de  paix.  Après 
la  bataille  d'Kthandum,  en  878,  les  Danois  accep- 
tèrent le  Christianisme,  et  s'établirent  en  Angle- 
terre. Dunstan,  évêque  de  Worcester,  rétablit 
la  discipline  dans  tous  les  monastères  qui  n'avaient  ^^^^^^^' 
pas  été  détruits  et  encouragea  beaucoup  l'édu- 
cation. 

Une  nouvelle  invasion  danoise  allait  encore 
retarder    la    prospérité    de    l'Angleterre,     quand 

37 


L'HGLLSE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

le  puissant  chef  danois,   Canut,  I  fut  converti  au 

Christianisme.     Bientôt  la  paix  revint  et  Canut 

Canut  I.    ^^^  Y^^^  jQj^  ^^^  gç^^l  maître  de  toute  l'Angleterre. 

Il  fit  rebâtir  les  églises  qu'il  avait  brûlées,  et 
dota  magnifiquement  les  abbaN'es  et  les  monastères 
qu'il  avait  spoliés. 

En  l'an  1042  Edouard  le  Confesseur  fut  con- 

Edouard   sacré  roi  dans  la  grande  cathédrale  de  Wi-nchester. 

^^  Ce  prince  contribua  beaucoup  au  relèvement  du 

seur.  peuple,  mais  tavorisa  1  introduction  des  étrangers 

dans  les  fonctions  ecclésiastiques.     Impossible  de 

dire  jusqu'où  il  serait  allé  si  ne  l'en  eût  empêché 

le  fameux  gouverneur  Godwin, 

En  1066  Guillaume,  duc  de  Normandie, 
appuvé  par  l'évêque  de  Rome,  résolu  de  faire 
Lriii  au-  1^  conquête  de  l'Angleterre.  Avec  une  armée 
Coyique-  de  66,000  hommes  il  battit  les  Anglais  à  Hastings, 
et  s'empara  de  la  royauté.  Le  pape  alors  le 
pressa  de  rendre  hommage  à  l'église  de  Rome. 
La  réponse  du  roi  à  l'ambassadeur  du  pape 
est  devenue  historique.  "Je  n'ai  pas  choisi 
de  te  rendre  hommage  et  je  ne  le  ferai  pas  ;  je 
n'ai  fait  aucune  promesse  à  cet  effet  ;  de 
plus,  je  ne  sache  pas  qu'aucun  de  mes  prédéces- 
seurs ait  rendu  hommage  à  l'évêque  de  Rome." 


38 


tant. 


L'EGLIvSE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Cette  réponse  de  Guillaume  montre  que  jusqu'à 
<jette  époque,  au  onzième  siècle,  le  pape  n'avait 
de  juridiction  ni  sur  l'église,  ni  sur  la  couronne 
d'x\ngleterre.  Ce  fait  est  important  puisque 
nous  entendons  si  souvent  dire  que  l'Eglise,  en 
Angleterre,  était  sous  la  domination  papale  avant 
la  réforme  du  XVIième  siècle. 

Jusqu'à  la  conquête  par  les  Normands, 
l'Eglise  anglicane,  tout  en  étant  en  communion 
avec  l'Eglise  romaine,  en  était  parfaitement  in- 
dépendante. Par  sa  constitution  ecclésiastique, 
l'Eglise  anglicane  reconnaissait  deux  provinces, 
Cantorbérv  et  York.  L'Archevêque  de  Cantor- 
béry,  était  comme  de  nos  jours,  le  primat  de 
toute  l'Angleterre  et  ne  reconnaissait  aucun 
vsupérieur  ecclésiastique. 

E'Eglise  de  Rome,   toutefois,   faisait  de  plus 
en  plus  valoir  ses  prétentions  à  la  suprématie,   et 
ses  efforts  furent   grandement   secondés  par   les  ^/{o-yan- 
prélats  étrangers  qu'Edouard  le  Confesseur  avait  disse- 
encouragés  et  que  Guillaume  le  Conquérant  éta-  la  Suprê- 
blit  dans  toutes    les    villes    du     royaume.       Le  inatie 
chemin  fut  ouvert  aux  empiétements  de  la  papauté  P'^P'^^^- 
sur  ce  qui  avait  été,  jusqu'à  ce  jour,   les  droits 
indépendants    de    l'Eglise    et    de    la    couronne 
d'Angleterre. 

39 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Les  Normands  donnèrent  une  nouvelle  im- 
pulsion à  la  vie  monastique.  Guillaume  et  ses 
barons  fondèrent  un  grand  nombre  de  monastères, 
leur  appropriant  les  biens  qui  avaient  été 
anciennement  donnés  aux  Eglises  par  les  Saxons. 
Dans  presque  tous  les  cas  ces  richesses  allèrent 
grossir  les  revenus  des  communautés  religieuses 
protégés  par  les  Normands.  Le  pays  se  couvrit 
de  vastes  monastères  et  d'imposantes  églises. 
C'est  ainsi  que  l'Angleterre  fut  abandonnée 
comme  une  proie,  à  la  cupidité  des  étrangers. 
Guillaume  attribua  60,000  fiefs  à  ses  chevaliers 
aux  dépens  des  Saxons  et  consigna  les  noms  des 
nouveaux  propriétaires  dans  le  livre  noir  de  la 
conquête.  (  Doomsday  Book.  )  C'est  ainsi  que 
nous  y  lisons  la  description  des  biens  appartenant 
au  siège  épiscopal  de  Cantorbéry,  ainsi  qu'à 
plusieurs  églises  d'autres  comtés.  Par  exemple, 
243  églises  avaient  des  propriétés  dans  le  diocèse 
de  Norfolk,  et  364  autres  en  possédaient  dans 
celui  de  Sufïolk.  Ces  biens  a3'ant  appartenu  à 
l'Eglise  anglicane  depuis  plus  de  800  ans,  lui 
donnèrent  des  titres  de  propriété  plus  anciens  que 
tout  autre  propriétaire  en  Angleterre. 

Guillaume  le  Conquérant  mourut  en  l'an 
1087.      Il  eut  pour  successeur  son  fils,  Guillaume 


40 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

le  Roux.  Ce  prince  bannit  de  son  rovaume  les  Guillau- 
messagers  que  le  pape  Lrbam  lui  avait  envoves  i^  Rqux. 
au  sujet  d'Anselme,  archevêque  de  Cantorbéry, 
qui  en  avait  appelé  au  pape  de  la  confiscation 
des  revenus  de  l'Eglise  au  profit  de  la  couronnt-. 
En  dépit  de  la  condamnation  de  Rufus  par  un 
concile  tenu  à  Rome  en  1099,  Anselme  ne  put 
gagner  sa  cause. 

Sous  le  règne  d'Henri  I.  Anselme  renouvela 
son  appel  à  Rome.  Le  pape  Pascal  II  écrivit  au  Roi 
d'Angleterre,  lui  deniandant  que  l'archevêque  tût 
rétabli  dans  son  diocèse  sans  autre  investiture 
que  celle  du  pape.  Henri  I  répondit  que 
l'opinion  du  pape  et  les  décisions  du  concile  romain 
n'étaient  d'aucune  A'aleur  pour  lui.  "  Je  ne  veux 
ni  déroger  aux  coutumes  de  mes  pfédécesseurs, 
ni  tolérer  dans  mon  royaume  aucun  homme  qui 
ne  soit  pas  mon  sujet." 

De  cette  querelle  des  investitures  entre 
l'archevêque  de  Cantorbéry  et  le  roi  Henri  I,  il 
ressort  que  le  pape  n'avait  aucune  juridiction 
sur  la  couronne  ou  le  royaume  d'Angleterre. 

Sous  Te  règne  d'Henri  II,  en  1163,  Thomas 
à  Bequet,  archevêque  de  Cantorbéry,  voulut  qu'un 
ecclésiastique,    même    pour    les    crimes    commis 


41 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME, 

contre  les  lois  civiles,  ne  put  être  poursuivi  que 
devant  le  tribunal  ecclésiastique,  ce  tribunal  ne 
pouvant  infliger  d'autre  châtiment  que  la  dégra- 
dation ou  la  destitution  du  coupable.  Ce  fut  la 
cause  d'une  longue  querelle  qui  ne  se  termina  que 
par  l'assassinat  de  Bequet.  La  consternatiou 
créée  pai  ce  meutre  fut  si  grande  que  le  roi  jugea 
prudent  de  céder,  et  de  cette  façon  l'Eglise 
obtint  tous  les  privilèges  qu'elle  réclamait. 


'^IAP 


42 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REl-ORME. 


CHAPITRE  VII. 

La  Grande  Chartk  de  Liberté. 

En    12 13    Innocent    III,    le   plus  grand   des 

papes,  obligea  Jean-Sans-Terre,  roi  d'Angleterre,  à 

reconnaître    comme    archevêque    de    Cantorbéry 

Etienne  Lan^ton,    et  à  rétablir  tous  les  prélats  ^.tienne 

.  .  ,  Langton. 

romains  qu'il  avait  chasses  du  royaume.     En  outre 

Jean-Sans-Terre  s'engageait  à  conféier  au  pape  le 

patronage  de  tous    les  évêchés,    à  ne   reprendre 

les  insignes  de  la  royauté,   qu'avec  l'assentiment 

du    saint    Père  ;    en    un    mot    faire    du   royaume 

d'Angleterre  un  fief  de  la  cour  de  Rome.     Ainsi 

la  couronne  d'Angleterre  passa  sous  le  joug  de 

la     papauté.       Toutefois     l'Eglise      resta     libre 

comme  le  montre  le  fait  que  Langton    persuada 

les   Barons  de   résister   à  Jean- Sans-Terre.      En 

1215    ils    lui    firent    signer    un    pacte     devenu /é-aw- 

célèbre  sous  le  nom  de  la  "  Grande  Charte    de  -r^^^'  ^f 

Liberté.-"     Le  premier  article  de  cet  acte  déclarait  les 

solennellement  "   la  liberté  de  l'Eglise  anglicane,  ^'^^<^^'■^• 

et  le  maintien  de  tous  ses  droits  et  privilèges." 


43 


L'EGLISE  ANGIJCANE  AVANT  LA  REFORME. 

A  la  nouvelle  de  cet  échec,  Innocent  III 
frappa  d'anathènie  les  barons  et  Langton.  Il 
somma  Jean-Sans-Terre  d'annuler  la  Grande 
Charte,  mais  celui-ci  trop  profondément  humilié, 
répondit,  "  que  depuis  sa  réconciliation  avec  le 
pape  tous  les  malheurs  lui  étaient  arrivés." 

Innocent  III  mourut  en  1216  sans  avoir  reçu 
la  vassalité  de  1" Angleterre.  Etienne  Langton 
continua  pendant  12  ans  encore  à  revendiquer  les 
libertés  de  l'Eglise  et  delà  couronne  d'Angleterre. 

En    1265,    Simon    de    Montford,     comte    de 
Premier    Leicester,  convoqua  le  premier  parlement  national. 

D         f  Ali. 

ment'  "^  dater  de  ce  jour  on  passa  plusieurs  actes  pour 
Xatic-  protester  contre  les  prétentions  de  l'évêque  de 
'^^  *  Rome.     Sous  le  règne  d'Henri  III,  le  Parlement 

fît  une  loi  ordonnant  de  saisir  et  d'emprisoinier 
toute  personne  portant  un  mandat  venant  du 
pape.  LTne  lettre  fut  envoyée  au  concile  de 
Lyon,  1250,  s'élevant  contre  les  impositions  delà 
papauté,  et  annonçant  la  détermination  de  ne 
plus  les  souffrir.  Plus  tard,  l'évêque  Grossetête, 
de  Lincoln,  fit  de  l'opposition  au  pape 
Innocent  IV,  et  lui  écrivit  "  qu'il  résisterait 
à  toutes  les  instructions  venant  du  pape." 
Quand  l'évêque   Grossetête  mourut  en    1254,   le 


44 


L'RGUSE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

pape  ordonna  aux  fidèles  de   'se   réjouir  de  la 
mort  de  son  ennemi." 

En  1297  le  roi  Edouard  I  résista  ouvertement 
au  pape  Boniface  VIII,  et  le  força  d'annuler  le  ^.^'^y^^f'^ 
décret  de  l'année  précédente  qui  enjoignait  à  tous  Edouard 
les  peuples  chrétiens  de  ne  prélever  aucune  co:i- 
tribution  sans  la  permission  deTévêque  de  Rome. 
Le  Parlement  de  Lincoln  \1301),  composé  non-seu- 
lement des  barons  et  des  représentants  du  peuple, 
mais  aussi  de  deu::  archevêques  et  de  i  S  évêques, 
adopta  à  l'unanimité  la  proposition  suivante:  — 

*■  Nous  avons  déterminé  que,  eu  ce  qui  con- 
cerne les  droits  du  royaume  d'Ecosse,  de  même 
que  dans  tous  ses  autres  droits,  le  roi  notre 
seigneur  ne  se  soumettra  en  aucune  manière  au 
pape  et  ne  permettra  qu'aucun  de  ses  actes  soit 
le  sujet  d'une  enquête  à  Rome,  et  personne 
n'aura  le  dr(jit  de  le  représenter  devant  pareil 
tribunal." 

En  1341 ,  Edouard  II  protesta  énergiquement 
contre  les  empiétements  de  la  papauté.  Edouard 
III,  sonnné  par  le  pape  Urbain  V  de  rendre  Edouard 
hommage  au  siège  de  St.  Pierre,  refusa  de  le  Z/^- 
faire,  et  fut  appuyé  par  le  Parlement  anglais  qui 
décida  en  1344  qu'aucun  ecclésiastique  ne  serait 
iu.stallé  dans  une  cure  par  un  décret  du  pape. 


4.D 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

En  1350,  le  Parlement  fit  passer  un  acte 
dont  le  préambule  déclarait  que  "'  la  sainte  église 
d'Angleterre  fut  établie  dans  notre  royaume  pour 
donner  au  peuple  la  connaissance  des  lois  de 
Dieu."  Les  empiétements  de  la  papauté,  que 
cet  acte  voulait  restreindre,  sont  dénoncés  comme 
"tendant  à  annuler  la  sainte  église  d'Angleterre." 

En  1365  le  pape  Urbain  V  s'avisa  de  réclamer 
les  arrérages  du  tribut  qui.  depuis  33  ans  n'avait 
pas  été  payé  à  la  cour  de  Rome.  Pour  repousser 
ces  présentions,  Edouard  III  s'adressa  à  Jean"  de 
Wiclef,  qui  justifia  la  confiance  de  son  souverain 
dans  un  mémoire  plein  de  vigueur,  dans  lequel 
il  rejetait  toute  idée  de  vasselage  de  l'Angle- 
terre envers  la  papauté.  En  1366,  le  roi  incita  la 
haute  chambre  du  Parlen'.ent  à  déclarer  que  les 
prétentions  du  pape  "  n'étaient  ni  justes  ni 
honorables.  '  ' 

Au  millieu  du  XlVième  siècle,  il  n'\'  avait 
encore  en  anglo-saxon  que  quelques  extraits  de 
l'ancien  Testament.  Wiclef  résolut  de  donner  à  la 
nation  une  instruction  biblique,  traduisit  lui-même 
en  [378  le  Nouveau  Testament,  et  fit  traduire  l'an- 
cien par  Nicolas  Herford.  Il  fit  copier  en  outre 
des  portions  séparées,  à  l'usage  des  prédicateurs 
ambulants       qu'il       euvo}ait      dans      différentes 

46 


f 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

directions,  partout  où  ils  trouvaient  des  auditeurs 
de  bonne  volonté,  afin  de  leur  annoncer  la  parole 
de  Dieu.  Wiclef  mourut  en  paix  à  Lutterworth 
en  l'an  1384,  après  avoir  établi  sa  protestation  sur 
la  base  solide  des  principes.  Wiclef  appelé  souvent 
'  'l'étoile  du  matin  de  la  Réforme'  '  était  né  en  i  324. 
Il  étudia  à  l'un  des  cinq  collèges  qui  seuls  existaient 
alors  à  Oxford.  En  1361  il  devint  directeur  de  ce- 
lui de  Balliol  et  fut  nommé  agrégé  du  collège  de 
Merton.  Appelé  par  la  couronne  en  1372  à  faire 
partie  d'une  commission  chargée  de  traiter  à 
Bruges  avec  les  délégués  pontificaux  des  griefs 
mutuels  des  deux  pouvoirs,  Wiclef  dut  bientôt — 
1382 — comparaître,  sur  l'ordre  du  nouvel  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  Guillaume  de  Courtenaj^, 
devant  un  concile  dont  la  majeure  partie  se 
composait  de  moines  mendiants.  Des  24  proposi- 
tions extraites  de  ses  écrits  on  en  condamna  dix 
comme  hérétiques,  et  on  déclara  le  reste  erroné 
et  pernicieux.  Toutefois  dans  sa  chaire  et  dans 
ses  écrits,  Wiclef  continua  jusqu'à  sa  mort  à 
combattre  les  abus  et  les  erreurs  de  l'Eglise 
romaine. 

En  i393leslois  "praeinunire"  furent  renouve- 
lées afin  de  créer  en  faveur  du  roi  un  nouveau 
rempart  contre  les  prétentions  de  l'Eglise  romaine. 


47 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

ifJ^,.,,,.     P^"^!"  ces  lois  il  était  défendu  à  tout  sujet  ano^lais 
nire.  d'en  appeler  à  la  cour  de  Rome,  ou  de  se  soumettre 

aux  exconnnunications  du  pape.  Il  était 
même  défendu  à  tout  représentant  du  pape  de 
débarquer  en  Angleterre  sous  peine  de  châtiment 
rigoureux,  et  de  confiscation  de  ses  biens  au 
profit  de  l'Etat.  En  1399,  quand  Richard  II  fut 
dépo."^é,  la  plus  forte  accusation  contre  lui  fut 
qu'il  avait  sollicité  du  pape  la  ratification  de  ses 
actes.  Le  Parlement,  dans  cette  circonstance, 
déclara  "  Que  les  droits  du  royaume  et  de  la  cou- 
ronne d'Angleterre  avaient  toujours  été  libres, 
que  ni  le  pape,  ni  aucun  autre  étranger,  n'y 
avaient  droit  d'intervention."  De  141 7  à  1426  le 
pape    Martin    V    demanda    à   plusieurs    reprises 

r^'  ^^^  qu'on  annula  les  lois  "  praemunire,"  et  chaque 
fois  le  Parlement  résista  aux  prétentions  du 
pontife.  Quand,  exaspéré  par  tant  de  résistance 
Martin  V  eut  frappé  d'anathème  l'archevêque 
Chicheles  et  tous  les  évêques  anglais  en  1426, 
le  Régent  Humphre}',  duc  de  Gloucester,  brûla 
publiquement  les  bulles  papales.  Ces  faits 
démontrent  clairement  que  l'Eglise  romaine  n'a 
jamais  été  la  maît res.se  de  l'Angleterre.  Ce 
fut  l'Eglise  anglicane,  '' ecdesia  anglicana,'' 
que  la  grande  Charte  de  Jean-Sans-Terre  déclarait 

4.3 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

libre,  et  dont  les  libertés  devaient  être  inviolables. 
Le  pape,  il  est  vrai,  fit  quelquefois  sentir  son 
influence,  puisque,  comme  nous  l'avons  vu,  le 
Parlement  Anglais  dut  légiférer,  à  diverses 
reprises,  afin  de  réprimer  ses  prétentions,  jusqu'au 
jour  oii,  sous  le  règne  d'Henri  VIII,  1531,  il  les 
repoussa  à  jamais. 


"^^IW 


ïm^ 


49 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


TROISIEME  PARTIE. 


CHAPITRE  VIII. 

Decadenxe  de  L'Eglise  Romaine. 

La  Réforme  en  Angleterre  rejeta  effective- 
ment la  domination  papale  si  injustement  imposée 
aux  Anglais  contrairement  aux  décrets  du  trois- 
ième Concile  d'Eplièse.  Ce  gran  dconcile  de 
toute  la  chrétienté  en  431  se  prononça  ainsi, 
"  Xous  déclarons  ici  que  les  prélats  de 
l'Eglise  cypriote  consacreront  eux-mêmes  leurs 
évêques,  sans  qu'il  leur  soit  opposé  aucun  obstacle 
ou  empêchement  ;  de  plus,  nous  déclarons  que  cette 
règle  devra  aussi  être  observée  partout  dans  les 

^,  autres    diocèses    et     les     autres    provinces:    de 

Décret  ,,  ,  ,    ^.  ,.  ,       . 

du  telle     sorte      qu  aucun     eveque      n  niterviendra 

Illieme     dans    les    affaires  d'une  autre    province  qui   n'a 
CoHQile  '.'    j-      1  .  •        V 

d'Ephèse.  P^^    ^^^    ^^^    ^^    commencement    soumise    a    son 

administration  ni  à  celle  de    ses    prédécesseurs  ; 
de  plus,   si  quelque  prélat  a  commis  un  empiète- 

50 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

ment  de  ce  genre,  ou  s'il  s'est  attribué  de  force  le 
gouvernement  d'un  diocèse,  il  sera  obligé  défaire 
restitution,  afin  que  les  canons  décrétés  par  les 
Pères  ne  soient  pas  enfreirits,  que  la  prêtrise  ne 
devienne  pas  une  occasion  ou  un  prétexte  pour 
Torgueuil  du  pouvoir  temporel,  il  a  donc  paru 
juste  au  présent  saint  concile  oecuménique  que 
les  droits  de  chaque  province  restent  intacts  et 
inviolables,  selon  l'usage  qui  a  toujours  prévalu." 
(Concile  d'Ephèse,  Canon  VIII.)  Cet  article 
condamne  donc  les  catholiques  romains  qui  préten- 
dent que  les  canon  s  de  l'Eglise  sont  les  mêmes  dans 
tous  les  âges.  Même  d'après  le  concile  d'Ephèse, 
concile  de  200  évêques,  ils  sont  desschismatiques, 
puisqu'il  n'existe  aucun  doute  qu'avant  la  venue 
d'Augustin  en  596,  l'Eglise  de  la  Grande  Bretagne 
était  indépendante  du  Pape.  Toute  juridiction  de 
l'évêque  de  Rome  sur  l'Eglise  anglicane  après 
cette  4até  (596)  était  nécessairement  contraire 
aux  décrets  de  l'Eglise  catholique.  Grégoire  le 
Grand,  à  l'occasion  de  son  élévation  à  l'évêché  de 
Rome,  dans  une  lettre  au  patriarche  d'Alexandiie, 
avait  promis  de  se  conformer  aux  décrets  du 
Concile  d'Ephè.se  "comme  aux  quatre  Evan- 
giles." 


51 


Décade  n- 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME 

Sans  doute  l'évêquede  Rome  envoya  Augus- 
tin en  Angleterre  ;  mais  il  ne  faut    pas    oublier 
qu'entre  L'Eglise  romaine  du  temps  d'Augustin 
cède  et  le  Romanisme    de    nos    jours    il       }•    a    une 

l  Eglise     orande  différence.       L'Eerlise  de  Rome  n'a  pas 
romaine     ^  ,       ,  . 

toujours  enseigne  les  doctrines  qu'elle    pratique 

aujourd'hui.  Il  ne  faut  pas  oublier  non  plus  que 
l'Eglise  de  Rome  fut  jadis  sainte  et  apostolique. 
Rappelons  en  peu  de  mots  quand  et  comment  eut 
lieu  sa  décadence. 

Après  que  l'empereur  Constantin  eût  soumis 
l'P^mpire  romain,  et  fondé  un  empire  universel, 
il  trouva  que  la  population   de  la  ville  de   Rome 
se  composait   d'éléments  hétérogènes,  c'est  à-dire 
f^fj  de  chrétiens  et  de  païens.     Le  premier  problème 

à  résoudre  était  une  question  politique,  à  savoir, 
comment  allait- il  affermir  et  perpétuer  son  pouvoir^ 
C'est  grâce  au  concours  et  à  la  vaillance  des 
chrétiens  qu'il  était  monté  au  pouvoir,  il  était 
donc  nécessaire  de  se  les  concilier  et  de  s'assurer 
leur  support.  C'est  pourquoi  il  combla  l'Eglise 
de  faveurs  et  la  couronna  des  splendeurs  terres- 
tres. Comme  un  prince,  l'évêque  de  Rome 
pouvait  se  promener  dans  un  chariot  d'Etat. 
Bientôt  des  discussions  acharnées  s' élevèrent  entre 


52 


î/EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

les  Pères  de  l'Eglise.    Cette  polémique  nécessita  la  Union  de 
convocation   de   conciles    sous    la    présidence    de  ^ ^f^^^^ 
Constantin  qui  réunit  ainsi  l'Eglise  a    l'Etat  et  VEtat. 
s'assura    le    soutien    des    chrétiens.       Ceux    qui 
étaient  à  la  tête  de  l'Eglise,    cédant  à  la  cajolerie 
et  au   pouvoir,  ne  firent   entendre  que  de  faibles 
protestations. 

Fort  de   l'appui   des   chrétiens,    Constantin 
voulut    soumettre     ses     sujets     païens     par    la 
persécution.       Il    expulsa    leurs    prêtres  d'abord 
de  leurs   temples  et  les  vierges  vestales  de  leurs 
couvents.        Mais    voyant     que    ses    efforts    ne 
lui   attiraient  qu'une    plus  grande  haine  et  une 
opposition    des    plus    acharnées    de    la    part    des 
païens,    l'empereur   eut    recours    à    des    moyens 
plus  pacifiques,  il  ordonna  qu'on  baptisa  tous  les 
temples   païens    au    nom    de    la    sainte    Trinité,  hitroduc- 
et  qu'on  les   livra  ensuite  au  culte  chrétien  sans  p^^  ^^^ 
aucun    changement.      Les    autels,    les    chambres  dans 
secrètes  et  les  temples  païens  devinrent  donc  des  V,        "^^^ 
autels,  des  chambres  secrètes  et  des  temples  chré- 
tiens.    Nombre  de  païens  furent  baptisés  au  nom 
de  la  Sainte  Trinité,  et  déclarés  chrétiens,  tout  en 
restant  idolâtres  de  cœur  et  païens  de  caractère. 
Ce  fut  alors  que  le  levain  corrompu  du  paganisme 
conmiença  à  emj3oisonner  l'Eglise  romaine, 

53 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Au  \'IIIième  siècle  Boniface  IV  consacra,  au 
milieu  de  grandes  et  solennelles  cérémonies,  le 
Panthéon  (auparavant  dédié  "à  Jupiter  et 
à  tous  les  dieux")  "  à  la  Sainte  Vierge  et  à  tous 
les  saints."  Ainsi  le  peuple,  pouvait  comme 
aux  temps  païens,  aller  au  Panthéon  se  choisir 
des  dieux  et  des  patrons  chacun  selon  son  goût 
et  son  caprice. 

Les  prétentions  de  l'évêque  de   Rome  et  les 

erreurs   papales  sont  de    date    comparativement 
Suprt-  ,  __^,,        ,     .         . 

matie  du    récente.     Elles  étaient  inconnues  du  temps  d  Au- 

Pape.         gustin.     Au  commencement    du  septième   siècle 

seulement  les  papes    aspirèrent  à  la   suprématie 

sur    toutes    les    églises.       Grégoire     le     Grand 

lui-même     s'opposa     à     leurs      prétentions      et 

déclara  anathèmes  les  évêques  qui  nourrissaient 

de  telles  aspirations.     Ce  fut  un  de  ses  successeurs, 

Boniface    III,   qui.   en    607,  se    déclara    évêque 

universel,   tandis  que    l'infaillibilité  du  pape    ne 

date    que   de     1870.       Mais    si    les    papes    sont 

infaillibles,  ils  ne  peuvent  pas  êtie  chefs  de  toutes 

les  églises,  puisque  Grégoire  le  Grand  a  condamné 

cette    doctrine    comme      anti-chrétienne  ;    et    si 

Grégoire  s'est  trompé,  alors  les  papes  ne  sont  pas 

infaillibles.    Du  reste,  pour  bien  montrer  T  inanité 

-de  celte  doctrine.,  nous  n'avons  qu'à  rappeler  que  le 

54 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

pape  Hoiiorius  (625-638)  fut  accusé  d'hérésie  et 
finalement  déposé  parle  sixième  concile.  Pendant 
plusieurs  siècles  les  papes  eurent  à  prononcer 
l'anathème  contre  Honorius  et  sa  doctrine. 

La    Réforme    en    Angleterre    n'a    pas    créé 
une    nouvelle    Eglise;    elle   a    purifié    l'ancienne 
Eglise  des  superstitions  et  des  erreurs  de  l'Eglise 
romaine.    Il  peut  arriver  que,  par  suite  de  mau- 
vaises influences,  un  homme  bien  élevé  vienne  à  z-^;^-;;^/;'^'^ 
se    dégrader.       S'il    abandonne    ses     in3.uvaisç:s  pas  créé 
habitudes  nous  disons  qu'il  s'est  réformé.     Son  ^^Jj^^^^n^ 
changement  de  vie,  ou  pour  mieux  dire  la  réforme  Eglise 
qui  s'est  opérée  en  lui  n'a  pas  altéré  son  identité.  /^^i^i^_ 
Il  en  fut  ainsi  de    l'Eglise   en    Angleterre.      La  terre. 
Réforme    n'est    pas    venue   du  dehors,  elle  s'est 
opérée  au  sein  même  de  l'Eglise  nationale    qui 
conserva  ses  mêmes  temples  et  ses  mêmes  fidèles. 
Ce  furent  ses  évêques  et  ses  prêtres  convoqués  en 
S}' node  qui  réformèrent  les  doctrines  et  les  usages 
de    l'Eglise.       L'Eglise    anglicane    fut    presque 
unanime  à  rejeter  les  prétentions  de  l'évêque  de 
Rome.    De  9400,  qu'était  le  nombre  des  membres 
du    clergé  à  l'accession    au    trône    de    la    reine 
Elisabeth    (155S),    il    n'y    en    eut    que    1S9    qui 
refusèrent  de  revenir  aux    anciens  privilèges   et 
aux    traditions    de    l'Eglise  primitive.      Pendant 

55 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

les  onze  premières  années  du  règne  d'Elisabeth 
il  n'y  eut  qu'une  seule  et  même  Eglise  pour  tous 
les  Anglais.  Ce  n'est  qu'en  1570  que  le  pape, 
voyant  qu'il  ne  pouvait  persuader  les  Anglais  à 
se  soumettre  à  son  autorité,  envoya  des  ecclésias- 
tiques romains  en  Angleterre.  Ceux-ci  persuadè- 
rent un  petit  nombre  d'Anglais  d'abandonner 
leurs  églises.  En  1581,  date  de  son  organisation, 
l'Eglise  romaine  devint  un  corps  scliismatique  en 
Angleterre. 


"^W 


5''' 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


CHAPITRE  IX. 

Consécration  de  L'Archevêque  Parker, 

AfÎD  d'échapper  à  cette  accusation  que  la 
Hiérarchie  auglo-romaine  est  schismatique,  les 
catholiques  romains  ont  prétendu  qu'à  la  Réforme 
(en  Angleterre)  il  y  eut  extinction  du  corps 
épiscopal,  qu'il  fallait  donc  rétablir  une  succession 
légitime,  et  la  consécration  de  l'archevêque 
Parker  a  servi  de  prétexte  à  cette  assertion 
purement  gratuite.      Rappelons  les  faits. 

Le  siège  de  Cautorbéry  étant  devenu  vacant 
par  la  mort  du  cardinal  Pôle,  le  17  novembre 
1558,  la  reine  Elisalx:th  nomma  pour  lui  succéder 
le  docteur  Matthieu  Parker.  Qui  fut  dûment  iY^^' 
élu,  en  vertu  de  "Congé  d'élire' \  par  l'^  Parker, 
doyen  et  le  chapitre  de  Christ  Church,  Cantor- 
béry.  Le  9  septembre  1559,  trois  prélats  créés 
sous  le  règne  d'Edouard  VI,  et  trois  prélats  créés 
par  la  -reine  Marie  Tudor,  furent  invités  à 
procéder  sans  délai  à  la  consécration  de  Paiker. 
Les  trois  derniers  refusèrent  de  prendre  part  à 
cette  consécration,  et  en  conséquence  quatre  autres 

57 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

évêques  furent  nommés  le  6  décembre  pour  les 
remplacer. 

Des  Sept  évêques  ainsi  choisis,  quatre  devaient 
prendre  part  à  la  cérémonie  de  la  consécration, 
bien  que  la  validité  d'une  telle  consécration  fut 
reconnue  par  la  coutume  de  l' Eglise  anglicane  si 
trois  évêques  au  moins  prenaient  une  part  active 
à  la  cérémonie. 

La  consécration   de   Parker   eut  lieu  le    17 

décembre    1559    dans   la   chapelle   du    palais   de 

Lauibeth,    en  présence   d'un    grand   nombre   de 

Gnilliu-   spectateurs.       Les  évêques  consécrateurs    furent 

tne  Guillaume    Barlow.    évêque    de    Bath   et  Wells, 

hat  ow     consacré   évêque    de    St.    Asaph    en    1536,    sous 

feati  ^^  règne  d'Henri  VIII  ;  Jean  Scory.  évêque  de 

Sco7'y         Chichester,   consacré  évêque  de    Rochester  sous 

Miles        le  règne  d'Edouard  VI,  en  1551  ;  Miles  Coverdale, 

Coverda-   auteur   d'une    traduction    de   la    Bible,     évêque 

^'  d'Exeter,     consacré    évêque   suffragant  .sous   le 

Tean  règne     d'Henri    VII  ;     enfin     Jean     Hodgkins, 

Hodgkins  consacré    sous    le    règne    d'Edouard    VI.       Le 

docteur     Thomas    Yale    lut     le    mandat     ro\al 

relatif   à    la   cérémonie,    puis    tous   les    évêques 

irapo.sèrent    les    mains    à    Parker   en      répétant 

toutes    les    paroles     essentielles     de     l'acte     de 

consécration. 

58 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Nous  nous  sommes  longuement  étendus  sur 
tous  ces  détails  parce  que  plus  tard  on  a 
essa3'é  d'élever  des  doutes  sur  la  validité  de 
la  consécration  de  l'archevêque  Parker.  Ce 
ne  fut  d'ailleurs  que  cinquante  ans  plus  tard  qu'on 
lança  les  premières  objections.  Pour  les  réfuter 
nous  nous  contenterons  de  citer  les  paroles  d'un 
auteur  anglais.  "Des  quatre  évêcues  qui  prirent 
part  à  cette  consécration,  Barlow  et  Coverdale 
étaient  les  seuls  titulaires  légaux  de  leur  diocèse  ; 
Scory  et  Hodgkins  remplissaient  tous  deux  les 
fonctions  d'évêques  adjoints  de  Bonner  dans  le 
diocèse  de  Londres.  De  ces  quatre  prélats 
les  deux  premiers  avaient  hérité  du  droit 
canonique  d'agiraunom  de  la  province,  et  Bonner 
avait  laissé  aux  deux  autres  leur  liberté  d'action, 
car  Bonner,  quoique  n'approuvant  pas  la  nomina- 
tion de  Parker,  n'avait  élevé  aucune  protestation 
contre  cet  acte,  et  le  sanctionnait  ipso  facto,  par 
cela  même  qu'il  ne  mettait  aucun  obstacle  à 
l'action  de  ses  deux  sufîragants.  Les  huit 
prélats  créés  sous  la  reine  Marie,  qui  seuls  survé- 
curent à  l'année  1560,  ne  firent  aucune  protesta- 
tion. L'affaire  fut  décidée  contre  eux  par  défaut, 
et  depuis  le  règne  de  Jacques  I  jusqu'à  celui  de 
Victoria,  lesévêques  titulaires  au  soins  de  qui  les 


59 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


fidèles  d'Angleterre  s'étaient  confiés  n'exercèrent 
aiicuîie  juiidiction  locale  jusqu'en  1850,  c'est-à- 
dire  jusqu'à  près  de  300  ans  plus  tard.  L'argu- 
ment fondé  sur  l'extinction  du  clergé  national 
n'est  donc  pas  admissible. .  . .  Pui.squ'il  en  est  ainsi 
l'intrusion  d'une  hiérarchie  étrangère  (en  Angle- 
terre) viole  les  lois  de  l'Eglise  et  les  déclarations 
des  Pères."  (Littledale,  Simples  Raisons  pp. 
238-239.) 

L'Eglise  anglicane,  disent  les  controversistes 
romains,  n'a  qu'un  titre  douteux  pour  conférer 
les  ordres  sacrés  et  pour  administrer  les  sacre- 
ments, et,  pour  le  prouver,  ils  s'appuient 
sur  le  fait  qu'on  ne  retrouve  plus  un  des 
documents  parmi  une  longue  série  de  pièces 
attestant  le  caractère  épiscopal  de  Guillaume 
Barlow,  un  des  quatre  prélats  qui  consacrèrent 
l'Archevêque  Parker.  "  Il  est  facile  de  répondre 
à  cela,"  dit  le  savant  docteur  Littledale,  "  que 
toutes  les  pièces  sur  lesquelles  on  s'appuyait  pour 
prouver  la  consécration  de  tous  les  évêques  de  la 
chrétienté  pendant  les  quatre  premiers  siècles 
sont  perdues  sans  icssource."  (Simples  Raisons, 
Gardifiûr  V^S^  25.)  L'évêqiie  Gardiner  est  absolument 
dans  le. même  cas  que  Barlow,  et  pourtant  aucun 
catholique  romain  ne  s'est  avi.sé  de  lui  contester 

60 


I/EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


son  rang.     De  même  il  n'existe  aucun  document 
relatif  à  quatre  des  sept  prélats  qui  consacrèrent 
le  cardinal  Pôle.     Cependant  nous  possédons  un 
grand  nombre  de  preuves  que  l'évêque   Barlow 
était  reconnu  par  tous  les  autres  évêques  pendant 
les  dix  dernières  années  du  règne  d'Henri  \'III. 
Une  des  meilleures  preuves  en  faveur  de  la  vali- 
dité du  sacre  de  l'Archevêque  Parker  est  que  les 
évêques  élus  sous  le  règne  de  Marie  Tudor  ne  pro- 
testèrent jamais  contre  cette  consécration,  et  que 
celle  de  Barlow  ne    fut  mise  en  doute  qu'après 
plus   de   quatre-vingts   ans.       Dans   un    discours 
prononcé    à    Bonn    en    1875,    le    savant    docteur 
Dollinger  dit   "  Le  fait  que  Parker  fut  consacré 
avec  l'imposition  des  mains  et  avec  les  paroles  Dolli 
requises  par  quatre  évêques,  eux-mêmes  légale-  ^^*'- 
ment  consacrés,  est  si  bien  attesté  que  ceux  qui 
le  mettent  en  doute  cherchent  à  s'aveugler  volon- 
tairement."    Enfin   l'évêque    Bossuet   lui-même  '^''■^■^''''^ 
accepta  la  validité  de  la  consécration  de  Parker, 
et  il  est  bien  probable  que  la  grande  majorité  des 
historiens  catholiques  romains  de  nos  jours  sont 
de  la  même  opinion. 

L'histoire  que  l'ordination  de  Parker  eut  lieu 
à  la  taverne  de  Xag's  Head  est  une  fable  absurde 


61 


n- 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

et  pleine  de  contradictions.  Nous  nous  étonnons 
qu'il  se  trouve  encore  des  catholiques  romains 
Y  J  intelligents  qui  continuent  à  y  croire.  Le  pape 
Head.  Léon  XIII,  n'en  dit  pas  un  mot  dans  son  ency- 
clique sur  la  validité  des  ordres  anglicans.  Dans 
sa  préface  à  l'ouvrage  du  Cardinal  de  la  Luzerne 
sur  les  droits  des  évêques,  l'archevêque  de  Paris 
de  répoque  (1845)  dit  :  "L'Eglise  anglicane  fut 
la  seule  des  sectes  protestantes  qui  conserva  son 
épiscopat." — Lingard  (  History  of  England  VII 
Note  I.) — dit:  'La  cérémonie  de  la  consécra- 
tion de  l'Archevêque  Parker  fut  célébrée, 
quoique  avec  une  légère  différence,  selon  l'ordi- 
naire d'Edouard  VI.  Deux  des  consécrateurs, 
Barlow  et  Hodgkins,  avaient  été  ordonnés  évê- 
ques, conformément  au  Pontifical  Romain  ;  les 
deux  autres  selon  l'ordinaire  réformé.  (  AVilkins 
Concilia  IV,  198.)  Il  ne  saurait  exister  aucun 
doute  sur  cette  consécration,  qui  eut  lieu  le  17  Dé- 
cembre 1559"'  (Wordsworth.  De  l'Eglise,  p.  223.) 
Voulant  à  tout  prix  discréditer  la  Réforme 
en  Angleterre,  les  catholiques  romains  ont 
prétendu  que  c'était  pour  des  motifs  inavouables 

que  LEglise  anglicane  s'était  séparée  de  l'Eglise 
Divorce  .  ji      ^  .  •  '..   •<.  ^ 

d'Henri    romaine,    en    d  autres    termes    que    c  était    pour 

VIIT.        permettre  à  Henri  \'III  de  divorcer.     Montrons 

62 


L'RGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


la  fausseté  de  cette  assertion  en  donnant  quelques 

détails  sur  la  vie   privée   de    ce    prince.     Henri 

VII  eut  deux  fils.    Arthur  et   Henri.      Arthur,  h^ ^^ 

'  Jules  II. 

avec  l'assentiment  de  son  père,  avait  épousé  la 
princesse  Catherine  d'Aragon.  A  la  mort  de  ce 
prince,  Henri  VII,  au  mépris  des  lois  de  l'affinité, 
fiança  la  veuve  au  jeune  Henri,  qui  devint  ainsi 
le  mari  de  sa  belle-sœur.  Le  pape  Jules  II  avait 
accordé  en  1504  une  dispense  pour  ce  mariage 
illégal,  qui,  loin  de  plaire  à  Henri,  le  faisait  passer 
pour  un  prétendant  forcé.  Ajoutons  que  ce 
prince,  le  plus  absolu  de  son  temps,  et  l'un  des 
plus  fidèlement  dévoués  à  la  foi  catholique 
romaine,  qui  pour  des  raisons  d'Etat  s'était  laissé 
persuader  par  ses  conseillers  d'épouser  Catherine 
d'Aragon,  vit  tous  ses  enfants  mourir  à  la  fleur 
de  l'âge  à  l'exception  de  la  princesse  Marie,  qui 
fut  fiancée  à  un  prince  français.  Plus  tard, 
quand  le  roi  de  France  se  fut  opposé  à  cette  union, 
alléguant  que  la  cour  française  doutait  de  la 
validité  du  mariage  de  Catherine  d'x\ragon,  le 
roi  Henri  VIII  en  vint  à  penser  que  cette  union 
avec  sa  belle-sœur,  bien  qu'autorisée  par  le  pape 
Jules  II,  était' dé.sapprouvée  par  le  ciel,  était 
contraire  aux  canons  de  l'Eglise,  et  que,  par 
suite,  on  pourrait  un  jour  contester  les  droits  de 

63 


Iv' EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


VII. 


sa  fille  Marie,  alors  seule  héritière  de  sa  couronne, 
il  se  décida  donc  à  divorcer.  Mais,  pour  divorcer, 
il  lui  fallait  une  nouvelle  autorisation  du  Saint 
Cle^nent  Siège.  Le  roi  pria  donc  le  pape  Clément  VII  de 
déclarer  nul  le  mariage  que  Jules  II  avait  à  tort 
sanctionné.  Malgré  la  proche  parenté  de  Cathe 
riiie  d'Aragon  avec  l'empereur  Charles-Quint  qui 
rendait  cette  dispense  difficile  à  obtenir,  le  pape 
en  1527  fit  pressentir  une  réponse  favorable,  et 
envoya  son  Légat  à  Londres  qui,  de  concert  avec 
le  cardinal  Wolsey,  s'efforça  d'engager  la  reine  à 
consentir  au  divorce  et  à  se  retirer  dans  un 
couvent.  Catherine  refusa  péremptoirement  et 
en  appela  au  pape.  Clément  VII  espérait  par  la 
lenteur  des  négociations  lasser  la  constance  du 
roi  ;  il  lui  offrit  positivement  une  dispense  pour 
épouser  deux  femmes,  de  même  qu'il  avait 
autorisé  la  polygamie  du  comte  de  Gleichen 
(Chastel,  Hist,  du  christianisme  Tome  IV,  page 
287 — Luther's  Briefe,  V,  994),  mais  Henri  VIII, 
perdant  patience,  favorisa  la  cause  du  clergé 
national  qui,  comme  nous  l'avons  vu,  gémissait 
depuis  longtemps  sous  la  domination  papale.  Il 
pressa  en  1531  l'adoption  par  le  Parlement  des 
mesures  que  l'Eglise,  dans  deux  convocations^ 
avait    unanimement    recommandées.      Le    Parle- 

64 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

ment  donc  décréta  que  l'évêque  de  Rome  n'avait 
de  juridiction  ni  temporelle  ni  spirituelle  en 
Angleterre,  que  tout  appel  au  Saint-Siège  était 
interdit,  et  par  un  autre  acte  autorisa  le  roi  et 
Catherine  de  divorcer.  Nous  ne  saurions  excuser 
ce  divorce.  Toutefois  pour  être  juste  envers 
Henri  VIII,  disons  que  la  question  de  son 
mariage  avec  sa  belle-sœur  était  une  question 
de  droit  canonique,  et  que  les  principales 
universités  d'Europe,  consultées  à  ce  sujet, 
déclarèrent  presque  toutes  la  non-validité  du 
mariage. 

Nous  avons  brièvement  passé  en  revue  les 
intrigues  et  les  passions  de  plusieurs  années- 
Ce  qui,  pour  les  Catholiques  romains,  serait  la 
cause  principale  de  la  Réforme  anglaise,  ne  fut  en 
réalité  qu'un  petit  incident  d'un  grand  drame. 
Comme  nous  l'avons  prouvé,  les  Anglais  depuis 
des  siècles  voulaient  s'affranchir  de  toute  ingé- 
rence papale.  L'Eglise  anglicane  avait  sans 
cesse  protesté  contre  les  prétentions  des  papes. 
La  querelle  d'Henri  VIII  permit  à  tous  les 
partis -en  x\ngleterre  de  s'unir  afin  de  repousser 
pour  toujours  la  suprématie  de  l'évêque  de 
Rome. 


6s 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


L 


CHAPITRE  X. 

Effets  de  la  Reforme  ex  Angleterre. 
A    Réforme    au    X\'Iième    siècle    eut    pour 
principaux  résultats  de    démontrer    claire- 
ment que  : 

Repudi-  Premièrement,    le    pape    ne    peut  avoir    de 

ation  de  -  r   r  i  ^ 

la  juridiction    en    Angleterre    à    titre    de     Primat, 

S^Pj'^^-       pui.sque   cette   suprématie    lui   fut    refusé    d'une 

du  façon  péremptoire  par  l'Eglise  anglicane  se  fon- 

^'^^^'         dant  sur  ce  que  l'évêque  de  Rome  a  failli  dans 

la  justification  de  ses  droits,   et  qu'il  u"a  pas  fait, 

suivant  les  paroles  du  savant  docteur  Littledale, 

une  seule  des  démarches  que  le  Droit  canon  rend 

nécessaires    pour   prouver    son    titre    d'héritage. 

Dieu    ayant    limité    la    juridiction    de    l'apôtre 

Pierre  aux  fidèles    circoncis  (  Gai  IL    7-8,  )    en 

d'autres  termes  à  l'Eglise  des  Juifs. 

Deuxièmement,  que  le  pape  ne  peut  avoir  de 
juridiction  en  Angleterre  à  titre  de  patriarche 
d'Occident,  puisque  nous  savons  que  les  limites 
du  patriarchat  romain  ne  s'étendaient  que  sur  dix 
provinces   en  Italie   (  Rufin,  Hist.  Eccles.    1-6). 

66 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Elles  n'allaient  pas  même  jusqu'à  Milan,  encore 
moins  donc  jusqu'à  la  Gaule  ou  la  Grande 
Bretagne.  "  Le  fait  de  cette  délimitation  étroite 
qui  a  été  si  souvent  discutée,"  dit  un  historien 
catholique  romain,"  est  établi  par  de  nombreuses 
preuves.  Ce  ne  fut  même  qu'en  571  que  les 
papes  purent  pénétrer  à  Milan.  En  583  Grégoire 
le  Grand,  profitant  d'une  dispute  locale,  parvint 
enfin  à  imposer  son  autorité  à  cette  ville  et  à  y  en- 
vo3'er  un  légat."  (Fleury,Hist  Eccles.  XXXV-32). 
Le  huitième  canon  du  concile  général  d'Ephèse 
défend  d'ailleurs  au  pape  d'étendre  les  limites  de 
sa  juridiction. 

Troisièmement,  que  le  pape  ne  peut  avoir  de 
j  uridiction  en  Angleterre  à  titre  de  "convertisseur,'  ' 
— nous  emplo5'ons  ce  mot  en  bonne  part — puisque, 
comme  nous  l'avons  vu,  la  mission  d'x\ugustin 
ne  contribua  guère  à  la  conversion  de  l'Angleterre. 
Cette  mission  ne  s'étendit  jamais  en  dehors  de  la 
province  de  Kent.  La  plus  grande  partie  de 
l'Angleterre  Saxonne  fut  christianisée  par  les 
missionnaires  non-romains  de  l'Ecosse  et  de 
l'Irlande. 

"A  l'argument,"  dit  Littledale,  *'que  par 
certains  actes  l'Eglise  anglicane  accepta  de   fait 


67 


VEGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


Suppres- 
sion 
des 

Monas- 
tères. 


l'autorité  du  pape,  uous  répondrous  d'abord 
qu'on  avait  consenti  à  cette  soumission  parce  que 
l'on  croyait  à  l'authenticité  des  Fausses  Décré- 
tales  et,  par  conséquent,  au  cachet  obligatoire 
que  portait  le  droit  canon  basé  sur  ces  décrétales  ; 
celles-ci  provenant  d'une  fraude,  rendaient  parla 
même  la  soumission  nulle.  Ensuite,  lors  même 
qu'il  n'en  eût  pas  été  ainsi,  il  aurait  fallu  un  acte 
formel,  approuvé  unanimement  par  un  vS3'node 
national,  pour  donner  aux  évêques  anglais  le 
pouvoir  de  remettre  à  une  autorité  extérieure 
les  libertés  de  leur  église  ;  or  il  n'existe  pas 
d'acte  d'un  tel  sj-node.  Enfin,  en  supposant 
qu'une  semblable  détermination  eût  été  prise,  le 
pape  n'en  restait  pas  moins  incapable  d'en  accep- 
ter les  considérants  à  raison  même  du  serment 
qu'il  avait  prêté  lors  de  son  couroiniement 
d'observer  à  la  lettre  les  décrets  d'Ephèse." 
(Simples  Raisons  page  236.) 

La  Réforme  eut  aussi  pour  résultat  de 
supprimer  des  monastères  qui  fournissaient 
d'immenses  revenus  à  la  cour  de  Rome.  Sur 
l'ordre  d'Henri  VIII  en  1535  o\\  fit  une 
inspection  générale  des  couvents  du  royaume, 
surtout  de  ceux  établis  en  Angleterre  depuis 
la    conquête     des    Normands.     Ces    monastères 


68 


Tv'EGLISE  ANGIvICANE  AVANT  I,A  REFORME. 

avaient  obtenu  des  privilèges  de  l'évêque  de 
Rome,  dépendaient  inmiédiatenient  de  la  cour  de  , 
Rome,  formaient  sa  milice  la  plus  puissante  et  la 
plus  dévouée,  et  prétendaient  ne  devoir  aucune 
soumission  à  l'Kglise  d'Angleterre.  vSur  le  rap- 
port que  firent  les  commissaires  enquêteurs,  des 
irrégularités  et  des  désordres  qu'ils  avaient  décou- 
verts, le  Parlement  supprima  près  de  400  monas- 
tères de  second  ordre  et  coiifisqua  leurs  biens  au 
profit  de  la  couronne.  La  suppression  définitive 
de  tous  les  couvents  et  la  saisie  de  leurs  biens 
furent  achevées  en  1539.  On  évalua  à  plus  de 
300,000  louis  les  revenus  de  ces  biens,  fort  supé- 
rieurs à  ceux  de  la  noblesse. 

Un  autre  effet  de  la   Réforme  fut  la  publica- 
tion en  anglais  d'un  livre  de  prières  publiques. 
En  1542,  par  ordre  de  la  convocation,   on  nomma 
une    commission    chargée    de    réviser    le     code  p  ,,■ 
ecclésiastique  et  de  traduire  en  anglais  les  services  tion 

de    l'Eglise.     Les    commissaires    rédigèrent    lui  ,-^^  ^ 
'  ,  Livre  de 

nouveau    catéchisme  et  dressèrent  eu     1552  ww^  prières 
confes.sion  de  foi  en  39  articles  qu'ils  présentèrent  ^^    ,  • 
à  la   signature  de   tous  les  meml)res   du   clergé. 
Mais  le  plus  grand   résultat  de  la   Réforme 
fut  sans  contredit  le  don  inestimable  de   la  Bible 


69 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


Lecture 
de  la 
Bible. 


traduite  en  langue  -vulgaire.  En  1539  les 
évêques  anglicans  firent  paraître  "La  Grande 
Bible."  Si  fortes  étaient  les  dépenses  d'impres- 
sion et  si  ardent  le  désir  du  peuple  de  lire  les 
Ecritures  Saintes,  qu'on  dut  attacher  par  une 
chaîne  la  "  Grande  Bible"  au  mur  des  églises  où 
chacun  pouvait  venir  la  consulter  à  son  tour. 
On  ordonna  encore  à  chaque  prêtre  de  se  procurer 
une  Grande  Bible,  la  plus  grande  qui  fut  impri- 
mée, et  de  la  placer  dans  l'endroit  le  plus 
accessible  de  l'église  et  de  donner  ainsi  à  tous  les 
paroissiens  facilité  de  la  lire  ou  de  l'entendre  lire, 
et  d'être  à  même  d'en  méditer  les  enseignements 
à  leur  retour  au  foyer.  En  1543  le  clergé  reçut 
l'ordre  de  la  convocation  de  lire  à  chaque  service 
le  dimanche  et  les  jours  de  fête  une  leçon  tirée 
de  l'Ancien  Testament  et  une  leçon  tirée  du 
Nouveau.  Aussi  longtemps  que  la  langue  anglaise 
sera  parlée  dans  ce  pays,  les  chrétiens,  de  quelque 
dénomination  que  ce  soit,  seront  redevables  à 
l'Eglise  anglicane  de  ces  dons  si  précieux. 


70 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


CONCLUSION. 

L'Eglise  anglicane  c'est  donc  bien  l'Eglise 

qui  remonte  véritablement  au  temps  des  Apôtres 

et  dont  les  premiers  missionnaires  sont  venus  des 

pays  de  nos  ancêtres,   la  Gaule.     Cette  Eglise  a 

donné   au   monde  une   liturgie   incomparable,   et 

elle  embrasse  dans  toute  sa  plénitude  la  foi  de  la 

chrétienté  unie.      L'Eglise  anglicane  maintient  la 

foi  et  son  ancienne  empreinte  sans  rien  y  ajouter 

de  nouveau   comme,  par  exemple,   la  croyance   à 

l'Immaculée   Conception   ou   à   l'infaillibilité   du 

pape.     L'Eglise  anglicane  encourage  les  fidèles  à 

se  servir  de  leur  intelligence  aussi  bien  que  de  leur 

foi  ;  elle  ne  mutile  pas  le  sacrement  de  l'amour  du 

Sauveur,    et    elle    ne    nie    pas   dans    la    pratique 

l'efficacité    de    la    médiation    de    Jésus-Christ    et 

l'abondance  de  sa  sympathie.      L'Eglise  anglicane 

ne  fait  pas  commerce  de  reliques.     En  somme, 

l'Eglise  anglicane    adore   Dieu   en    Christ    seul  ; 

elle    ne    décerne    à    aucune    créature    l'honneur  r 

exclusivement  dû  à  ce  grand  Maître,  et  elle  déclare 

dansle  Vlième  article  de  Religion  "Oue  l'Ecriture 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

Sainte  contient  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  le 
salut,  de  sorte  qu'on  ne  doit  pas  exiger  d'un  homme 
qu'il  croie  comme  article  de  foi,  ou  qu'il  considère 
comme  essentiel  ou  nécessaire  au  salut,  la  moindre 
chose  de  ce  qui  ne  s'}'  lit  pas,  ou  qui  ne  peut  pas 
se  prouver  par  elle." 

Sans  vouloir  entrer  dans  de  trop  minutieux 
détails,  nous  allons  poser  en  peu  de  mots  ce  en 
quoi  les  Catholiques  anglicans,  eu  matière  de  foi, 
diffèrent  essentiellement  des  Catholiques  romains. 
Ces  derniers  soutiennent 

L  Que  le  pape  a  reçu  de  Dieu  l'autorité  de 
gouverner  toute  l'église  ;  qu'il  e.-.t  le  juge  suprême 
de  tous  les  fidèles,  évêque  par  dessus  tous  les 
évêques,  et  infaillible  en  matière  de  foi  et  de 
morale  ; 

IL  Que  la  Bienheureuse  Vierge  Marie  et 
les  autres  saints  doivent  être  invoqués  ; 

IIL  Que  les  images  doivent  être  honorées 
en  mémoire  des  personnes  qu'elles  représentent  ; 

I\'.  Que  la  sainte  A'ierge  est  le  fruit  d'une 
conception  immaculée  ; 

V.  Que  la  communion  ne  doit  pas  être 
administrée  sous  les  deux  espèces  aux    laïques. 

On  admettra  facilement   qu'une   Kglise    qui 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 


rejette  toutes  ces  pratiques  ne  saurait  être  en 
communion  avec  l'Eglise  de  Rome. 

L'Eglise  anglicane  diffère  encore  de  l'Eglise 
romaine  en  ce  qu'elle  ne  reconnaît  que  deux 
sacrements  de  l'Evangile  institués  par  Jésus-Christ. 
Elle  ne  croit  pas  non  plus  au  purgatoire  et  déclare 
non  scripturaire le  sacrifice  delà  messe,  puisqu'on 
ne  peut  offrir  d'autre  sacrifice  pour  le  péché  que 
celui  qui  a  été  offert  sur  la  croix.  Elle  rejette 
aussi  la  Transubstantiation  et  les  indulgences. 

"  La    prétention,"    disait,    il     y    a    près    de 

30  ans,  un  gran  1  auteur  Anglais,   "  que  l'Eglise 

romaine  (symbole  de  Pie  IV,)  est  la  mère  et  la 

maîtresse  de  toutes  les  Eglises  emporte  avec  elle 

sa  propre  réfutation,   car  la  mère  ne  peut  être  la 

même  que   les  filles.     S'il  y   a   d'autres    Eglises  i^^ EgH^e 

auxquelles  Rome  a   donné   naissance,    Rome    ne  romaine 
1  1      -r-    1-  ^  11        '  11' est  pas 

peut  être  la  seule  Kgli.^e  :  et  comme  elle  n  a  pas  lamere 

le  privilège  d'être  la  plus  ancienne,   sa  prétention  des 

d'être  la  mère  de  toutes  les  Eglises  est   fausse.  ^^ 

Le    Nouveau    Testament    nous    dit     clairement 

(Actes  1-4,  11-41-47)  que  l'Eglise  de  Jérusalem 

fut    la    première    établie    et    organisée  ;   que    la 

seconde  fut  celle  de  Samarie  (Actes,  VIII-14  j, 

et  que    la   première  Eglise  des  Gentils  fut  celle 

d'Antioche\ Actes XI-20).    C'est  delà  quel'Evan- 

73 


L'EGLISE  ANGLICANE  AVANT  LA  REFORME. 

gile  fut  apporté  pour  la  première  fois  à  Rome 
bien  des  années  plus  tard  ;  et  comme  les  Eglises 
de  Jérusalem  et  d'Antioche  existent  encore,  il  est 
clair  que  si  Rome  ne  peut  être  identique  à  ses 
propres  filles,  elle  ne  peut  encore  moins  être  sa 
propre  mère. ..  .D'après  la  tradition  romaine^ 
St.  Pierre  vint  d'Antioche  à  Rome,  et  Antioche, 
à  n'en  pas  douter,  reçut  directement  l'Evangile 
de  Jérusalem." 

Et  comme  c'est  l'Eglise  anglicane  qui,  à 
travers  les  étapes  du  Christianisme,  est  restée 
ferme  et  inébranlable  dans  la  foi  primitive,  et  a 
fourni  les  plus  puissants  adversaires  contre  les 
erreurs  et  les  prétentions  de  l'Eglise  de  Rome, 
c'est  donc  à  juste  titre  que  nous  l'appelons  le 
pilier  de  la  foi  et  l'Eglise  vraiment  Catholique. 


FIN 


//k4.tAjLy^  ^  ^xiy^e^u^^îV'^ 


£^/^jL..£ê^/fl^$ 


L'ARCHEVEQUE  PARKER, 

U aptes  un  ancien  portrait  au  Palais  Lanibeth. 


BR       Benoit,  Henry  E 

7^6  L'église  anglicane 

B5^      avant  la  Heiorme 


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■  iVVSrAMyftV  '_,^